L’Intersyndicale des magistrats, composée du Syndicat autonomes des magistrats burkinabè (SMB), du Syndicat burkinabè des magistrats (SBM) et du Syndicat des magistrats burkinabè (SMB), hausse le ton. Sept de leurs collègues, y compris des procureurs, ont été réquisitionnés pour participer, aux côtés des Forces de défense et de sécurité, à la lutte contre le terrorisme. Selon l’Intersyndicale, il y a quelque chose de pas clair dans cette affaire : ces réquisitions « ont un lien intrinsèque avec des dossiers judiciaires impliquant des soutiens du pouvoir qu'ils ont traité conformément à leurs prérogatives statutaires ». Ils dénoncent ainsi ce qu’ils qualifient d’« actes d'humiliation et d'intimidation des magistrats dans l'exercice de leurs fonctions ». Et même de « sabotage de l'autorité de la justice ». Les détails dans cette déclaration datée du 15 août 2024.
« Dans
l'après-midi du lundi 12 août 2024, le Procureur du Faso près le Tribunal de
grande instance de Ouaga I, le Doyen des Juges d’instruction du Tribunal de
grande instance de Ziniaré, le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande
Instance de Boromo et le Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance
de Bobo-Dioulaso, un Substitut du Procureur du Faso près le Tribunal de grande
instance de Bobo-Dioulasso ont reçu individuellement des appels téléphoniques
de la part de l'Adjudant SANOU Yacouba les informant de ce que chacun, en ce
qui le concerne, est réquisitionné pour les opérations de sécurisation du
territoire national pendant la période du 14 août 2024 au 13 novembre 2024 avec
possibilité de renouvellement.
A
cette liste s'ajoute le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance
de Gaoua, qui étant actuellement hors du territoire pour raison de vacances
judiciaires, a eu l'information de sa réquisition à l’occasion de l’appel des
magistrats réquisitionnés le 14 Aout à la garnison ; un septième magistrat
substitut à Ouaga lI serait également concerné.
Cherchant à connaître les critères de telles réquisitions sélectives et ciblées, les syndicats de magistrats se sont résolus à comprendre que les magistrats susnommés ont traité dans un passé récent des dossiers des citoyens se réclamant être des soutiens indéfectibles du pouvoir en place.
En clair, sans en avoir mentionné les motifs sur les actes de
réquisition, tout porte à croire que :
1) Le
Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouaga 1 est «
réquisitionné » pour avoir « osé » instruire aux Officiers de Police Judiciaire
(OPJ) d'enquêter sur des plaintes des citoyens burkinabè, notamment pour des
faits de disparitions forcées de membres de leurs familles et d'engager des
poursuites judiciaires contre un certain Adama SIGUIRE pour diffamation ;
2) Le
Doyen des Juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Ziniaré pour
avoir traité le dossier d'un citoyen se réclamant être un soutien du pouvoir,
ayant instigué des activités d'orpaillages interdites provoquant un éboulement
entrainant la mort d'une soixantaine de personnes.
3) Le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance
de Boromo pour
avoir instruit des poursuites contre un soutien du pouvoir et des Volontaires
de Défense pour la Patrie qui volaient du bétail dans les campagnes de ladite
localité pour aller vendre à Bobo Dioulasso.
4) Le Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso et son substitut pour avoir «osé »faire interpeller et mettre sous mandat de dépôt un Imam prêcheur dans la ville de Bobo-Dioulasso dénommé BARRO Mahamoudou qui a pourtant été libéré aux forceps le lundi 05 août 2024 dans une ambiance marquée par l'encerclement de la Maison d'arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso (MACB) par un groupe de militaires, les injonctions et pressions du Ministre de la Sécurité, du Ministre de la Justice, d’un agent du renseignement, du Directeur de Cabinet du Ministre de la justice et, le tout couronné par une excitation de certains soutiens du pouvoir de la ville de Bobo-Dioulasso appuyés en cela par des groupuscules d'individus.
Dès le lendemain 06 août 2024, aux environs de 04 heures du matin, un individu armé a fait intrusion au domicile d'un des Substituts du Procureur du Faso qui a participé à la gestion du dossier de l’imam BARRO Mahamoudou. lI s'est retiré après une fouille minutieuse de la maison qui lui a permis d'emporter la tablette, les téléphones et ordinateurs portables de la victime.
En rappel, l’imam BARRO Mahamoudou avait appelé les fidèles
de sa mosquée et tous autres sympathisants à «identifier les domiciles et les
véhicules des Procureurs du Faso qu'il traite de «terroristes ,» à l’effet
d'organiser des attentats contre leurs véhicules et de les assassiner ,» pour
la simple raison que son frère cadet a été poursuivi et condamné pour des faits
de coups et blessures volontaires contre un citoyen à qui il en veut pour son
orientation sexuelle qui serait contraire aux lois islamiques.
lI est à noter qu'après l'intervention d’une délégation de la
Communauté musulmane du Burkina conduite par son Président national, aucune
poursuite judiciaire n’a été engagée contre I’imam en cause à l'époque, malgré
la gravité des faits.
Contre toute attente, I’imam BARRO a réitéré certains de ses
propos incendiaires dans une autre vidéo à l'encontre du monde judiciaire en
faisant référence à ses appels instigateurs lancés dans sa vidéo précédente, ce
qui a justifié cette fois-ci son interpellation pour avoir récidivé.
Par la présente, l'intersyndicale des magistrats prend
l’opinion nationale et internationale à témoin de ce que les réquisitions des
magistrats susnommés ont un lien intrinsèque avec des dossiers judiciaires
impliquant des soutiens du pouvoir qu'ils ont traité conformément à leurs prérogatives
statutaires. Ces réquisitions ne sont ni plus ni moins que des actes
d'humiliation et d'intimidation des magistrats dans l'exercice de leurs
fonctions et, surtout, des actes de sabotage de l'autorité de la justice.
Plutôt que de s'en prendre à des magistrats pour avoir traité
des dossiers judiciaires des citoyens se réclamant de la supercatégorie des
citoyens dits « des soutiens du pouvoir », il serait plus équitable de libérer
tous les prisonniers dans les Maisons d'arrêt et de correction du Burkina Faso
si tant est que l'emprisonnement n'est plus admis pour les gouvernants du
moment.
Dans le cas contraire, aucun magistrat ne doit être inquiété
ou sanctionné pour avoir exercé les attributions relevant de ses charges
statutaires, sous prétexte qu'une catégorie particulière de citoyens est mise
en cause.
Ces réquisitions sont exécutées au forceps en dépit de
décisions juridictionnelles les ayant déclarés nulles et enjoignant à l'Etat
burkinabè de ne leur donner aucun effet.
Ces agissements témoignent de la volonté à instaurer une
justice à double vitesse qui est contraire à la lettre et à l'esprit de la
Constitution de notre cher Faso.
Fait à Ouagadougou, le 15 août 2024
Pour le Syndicat Autonomes des magistrats Burkinabè
(SAMAB)
Le Secrétaire Adjoint à l’organisation
BARRO A. Sidick
Pour le Syndicat burkinabè des Magistrats (SBM)
Le secrétaire général par intérim
KIENTGA Nestor
Pour le Syndicat des Magistrats burkinabè (SMB) : Le
Secrétaire général
TRAORE Diakalya