Le dossier référé-liberté concernant l’“arrestation de
Me Guy Hervé Kam” a connu son délibéré ce 7 mars. Le Tribunal administratif de
Ouagadougou a ordonné la libération de l'avocat Guy Hervé Kam, détenu depuis le
24 janvier dernier. Le coordinateur du mouvement politique “Servir et non se
servir” (SENS) est, selon l'Agent judiciaire de l’État (AJE), arrêté pour des
faits d'“atteinte à la sûreté de l’État”.
Le tribunal administratif ordonne la
“libération immédiate” de Me Guy Hervé Kam. L'État devrait, selon Me Prosper
Farama, avocat de Me Kam, prendre toutes les dispositions pour qu'il ne soit
plus privé de liberté “dans les conditions d’illégalité qui avaient
prévalu”.
L’avocat a été arrêté le 24 janvier
dernier à l’aéroport international de Ouagadougou. Jusqu’à ce jour, ses proches
ne sont pas autorisés à le voir. Ses avocats et ses confrères estiment alors
que ses droits ont été brimés car, disent-ils, il n’y a aucune procédure
judiciaire en cours contre lui. Ce verdict, la défense le considère comme une
victoire de tous les Burkinabè.
“Si victoire il y a, il s'agit d'une
victoire pour toute la société burkinabè. Les libertés sont pour tous les
Burkinabè, y compris ceux qui nous gouvernent. Voilà pourquoi nous ne voyons
pas les choses en termes de victoire. Il s'agit d'un pas de plus dans la
construction d'une société respectueuse des libertés individuelles et
collectives. Cela profitera à nous tous, y compris nos enfants et arrière
petits-enfants ”, affirme Me Prosper Farama, avocat de la défense.
Ce qui a motivé la décision du tribunal,
dit-il, c'est le droit.
“Nous avons démontré à l'audience que ce
qui est demandé à la justice, ce n'est pas une impunité pour Me Guy Hervé Kam,
fut-il avocat. Ce qui est demandé, c'est que ses droits soient respectés au
même titre que tout autre Burkinabè qui se retrouverait dans cette situation”,
a-t-il expliqué.
Selon cet avocat, les libertés sont
égales.
“Une liberté brimée est une liberté
brimée. Peu importe votre profession, votre liberté vaut autant que pour les
autres. Nous devons faire en sorte que les libertés vaillent pour tout le
monde”, a-t-il lancé.
Selon lui, si la justice a rendu cette
décision et bien d'autres, c'est dans l'optique de “construire l'état de droit,
le respect des textes”.
Ce que les avocats de Me Guy Hervé Kam
demandent, c'est le “respect des procédures judiciaires”.
“S'il y a quelque chose contre Guy Hervé
Kam, que les procédures soient respectées. Pour le moment, nous n'entrons pas
dans les accusations portées contre Me Guy Hervé Kam. S'il y a quelque
chose contre lui, que les accusations soient menées dans le cadre d'une
procédure normale comme tout citoyen. Qu'on lui notifie ce qu'on lui reproche,
qu'il ait la possibilité de se défendre. Et que ceux qui l'accusent apportent
les preuves et qu'il soit jugé”, affirme Me Farama.
Selon lui, si l'État burkinabè estime
qu'il a les éléments de preuves contre Me Guy Hervé Kam, qu'il mette sur pied
une procédure normale qui respecte les textes en vigueur.
L’Agent judiciaire de l’État a
préféré ne pas commenter la décision. Conformément à la loi en vigueur au
Burkina Faso, il dispose de 15 jours pour interjeter appel de la décision du
Tribunal administratif.
Cette décision sera-t-elle exécutée ?
Pour l'instant, rien n'est sûr. L'État burkinabè pourrait refuser de
relâcher l'avocat.
D'ailleurs, plusieurs décisions du
Tribunal administratif semblables à celle rendue aujourd'hui ont été sans
suite. À titre d’exemple, le 6 novembre dernier, le
Tribunal administratif de Ouagadougou a enjoint l’État burkinabè, à travers
l’Agence nationale de renseignement (ANR), de “mettre immédiatement un
terme à la détention de monsieur Kambou Sansan Anselme et lui permettre de
regagner son domicile”. Ce dernier avait été arrêté en septembre de la même
année dans des circonstances non encore élucidées. Cette décision rendue par le
tribunal administratif n'a pas été exécutée jusqu'à ce jour.
Autre fait : le Tribunal administratif a
ordonné, le 6 décembre dernier, la suspension des ordres de réquisitions pour
le front de Rasmane Zinaba, Bassirou Badjo, tous membres du mouvement “Le Balai
Citoyen” et Issaka Lingani, journaliste. Si ce dernier est parvenu à quitter le
pays, les deux autres ont été par la suite arrêtés.
Lucien
KAMBOU