Au tribunal de grande Instance Ouaga 2, D.A.H et
T.H, poursuivis pour des faits d’association de malfaiteurs en lien avec une
entreprise terroriste, ont comparu ce 21 juin 2023. Ils sont soupçonnés d’avoir
été membres d’une organisation terroriste, l’un des premiers groupes à
l’origine des attaques au Burkina Faso. A la barre, D.A.H, livré aux autorités
par son père, nie en bloc tous les faits qui lui sont reprochés. T.H, lui, clame
son innocence tout en reconnaissant partiellement les faits. Ce dernier est finalement
relaxé au bénéfice du doute. Le fils par contre écope d’une peine de prison de
10 ans ferme.
3 février 2017. Plusieurs partisans d’un groupe terroriste
sont mis aux arrêts. Parmi eux, D.A.H et T.H. Selon l’ordonnance de renvoi, les
deux hommes étaient de grands adeptes de ce groupe terroriste à l’époque où ils
vivaient à Pélem-pélem, un village situé dans la province du Soum. D’ailleurs,
leur responsable religieux faisait venir certains membres de l’organisation
terroriste pour des prêches dans une mosquée. Il leur est reproché des faits
d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Ces
faits sont punis par les articles 222 et 223 du code pénal de 1996. En effet, "toute
association ou entente, quels que soient sa durée et le nombre de ses
membres, formée ou établie dans le but de préparer ou de commettre des
crimes contre les personnes ou les propriétés, constitue le crime
d'association de malfaiteurs qui existe par le seul fait de la résolution
d'agir arrêtée en commun ». Et
ce n’est pas tout. « Est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans, tout
individu faisant partie de l'association ou entente définie à l'article 222.
L'emprisonnement est de dix à vingt ans, pour les dirigeants de l'association
ou de
l'entente ou pour ceux qui y ont exercé un
commandement quelconque", précise le Code pénal.
A la barre, comme lors de l’enquête préliminaire, T.H
reconnaît avoir été membre de cette organisation. “J'ai été membre de
ce groupe. J'ai adhéré par l'entremise de D.S, l'imam du village. C'est en
2016, lors du Ramadan, que j'ai fait allégeance”, explique-t-il aux juges.
Mais il souligne qu’après les premières attaques
terroristes dans la localité, il a pris conscience que son groupe était à
l’origine de tous ces crimes. L’attaque de Nassoumbou par exemple, le 16
décembre 2016. Il s’est alors retiré avant d’être interpellé par la police. Il
a cependant donné l’impression de s’être enfui du village de Pélem-pélem quand
les premières interpellations ont eu lieu. En effet, “le prévenu assure
n’avoir pas quitté son hameau de culture lors des premières interpellations.
Pourtant, il était introuvable durant trois mois. Pourquoi ? Où était-il durant
tout ce temps pour n’être finalement arrêté que le 18 mai 2017 ?" Le
procureur se dit convaincu que si cette retraite était honnête, il aurait pu
dénoncer les actes de ce groupe. Cela aurait permis de prouver réellement qu'il
n'en faisait plus partie.
Un père exemplaire
Le père de D.A.H, l’a dénoncé à la police. Il dit être
fatigué des agissements de son fils. Ce dernier s’était « entouré de
mauvaises personnes », affirme-t-il. Le procureur est convaincu que si un
père décide de dénoncer son enfant aux autorités, c’est qu’il a une bonne
raison. "Même quand il y a des problèmes entre un père et ses enfants,
il ne peut pas nuire à ces derniers. Si votre père a affirmé que votre frère et
vous, faites parties du groupe terroriste, c'est vrai. Il ne faut pas essayer
de nous distraire.", lance le procureur. Mais D.A.H reste campé sur sa
déclaration. Il dit ne pas reconnaitre les faits qui lui sont reprochés. Son
interpellation est, selon lui, l'œuvre de ses ennemis. « Des personnes
envieuses et jaloux de lui », dit-il à la barre. Quant à son père,
le prévenu dit ignorer les raisons qui l'ont poussé à raconter ces « mensonges »
à la police. "Je ne sais pas pourquoi mon père a dit que j'étais membre
de cette organisation criminelle. A ma connaissance, mon père n'a pas de griefs
contre moi", dit-il.
Le père de D.A.H n'a pas été le seul à le dénoncé à la
police. La concubine de l'imam du village, D.S, a également confié aux
enquêteurs que D.A.H avait l'habitude de venir dans leur hameau de culture pour
des activités suspectes. "Si c'est ce qu'ils vous ont dit, c'est que
c'est faux", assure-t-il.
Du reste, il nie tous les faits qui lui sont reprochés.
"Arrêtez de tourner autour du pôt et répondez simplement aux questions
qui vous sont posées", lance
le procureur. Et il ajoute que « le but de cette organisation
de malfaiteurs était de perpétrer des actes et des infractions dans la région
du Nord et d'y imposer éventuellement la charia ».
Le procureur estime que le prévenu D.A.H fait preuve
de mauvaise foi. "Jusqu'à la dernière minute, D.A.H n'a cessé de clamer
son innocence face aux faits qui lui sont reprochés. Mais il n'est pas parvenu
à nous convaincre qu'il ne fait pas partie de ce groupe", pense-t-il.
Il a requis une peine d'emprisonnement de 10 ans ferme,
assortie d'une période de sûreté de 8 ans pour D.A.H, et la relaxe pour T.H au
bénéfice du doute.
Le tribunal a finalement relaxé T.H compte tenu des
incertitudes sur son implication. En revanche, D.A.H a été reconnu coupable des
faits qui lui sontt reprochés et a été condamné à 10 ans de prison ferme.
La Rédaction