Ce 22 juin 2023, le TGI Ouaga 2 ouvre ses portes à
trois prévenus : K.H, K.S.M et G.A, arrêtés en mars 2017 pour des faits
d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Ils
ont été incarcérés jusqu'à ce jour où ils comparaissent devant le tribunal. Ils
ont finalement bénéficié de la relaxe au bénéfice du doute, mettant ainsi fin à
six ans de calvaire.
L'audience a failli être renvoyée. L’un des conseils
de K.H et K.S.M est absent. Mais les trois collaborateurs sont catégoriques.
Ils veulent être jugés, même sans conseil. Leur avocat finit par arriver. Au
moment où le juge est en train de lire l'ordonnance de renvoi.
Les faits remontent au 8 mars 2017. Les Forces de
défense et de sécurité interpellent trois charretiers alors qu’ils se rendaient
à Doumbangou, dans la commune de Dikel, province du Soum. Après une fouille
minutieuse du contenu des charrettes, les FDS trouvent un colis contenant des
tenues militaires. Les trois hommes sont arrêtés et sommés d'appeler celui qui
leur a envoyé le colis. Ils s'exécutent et font appel à leur oncle G.A. Ce
dernier, une fois sur les lieux, constatent, selon lui, « avec
stupéfaction », des uniformes militaires dans la marchandise que
transportait ses neveux.
"Arrivé au poste, on m'a demandé comment j'avais
eu cette marchandise. J'ai dit que c'est K.H qui me les a envoyés. Je ne
connaissais pas le destinataire. Quand les colis arrivent à mon domicile, les
propriétaires viennent les chercher. Mes enfants ont été bastonnés par les FDS jusqu'à
ce qu'ils soient blessés", relate le transporteur à la
barre. "Quand vous transportez les marchandises, vous ne vérifiez pas
le contenu ?", demande le juge. Et G.A de répondre : "K.H
m'avait dit que c'était des colis provenant d'un conteneur. Certes, j'ai été
naïf. J’aurais dû chercher à connaître davantage le contenu des colis. Cela
fait 17 ans que je suis dans le transport et je n'avais jamais eu de problèmes.
Nous avions l'habitude de vérifier la marchandise. Mais cette fois, c'était un
peu trop emballé", explique G.A. Selon ce quinquagénaire, il se
préoccupe peu du contenu. Il se charge uniquement de le transporter. Sur le
fameux colis à problèmes, il était mentionné le prénom "Sita" qui,
selon les prévenus, est l'expéditeur du colis.
Le procureur veut savoir la relation que G.A
entretient avec K.H. C’est à travers une agence de voyage gérée par K.H qu'il dit
avoir effectué un pèlerinage. Sur les lieux, il fait la connaissance de B.S,
propriétaire de l'agence de voyage et collectionneur des colis. Selon
l'ordonnance de renvoi, les colis appartiennent très souvent à des pèlerins
qui, à cause de la limitation du poids des bagages à l'embarquement, confient
leurs effets à B.S présent sur les lieux, afin qu'il les expédie au Burkina. Ce
fameux B.S. et H.H dit "Sita", en fuite, sont également poursuivis
pour des faits d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise
terroriste et de financement du terrorisme.
A la barre, K.H, commerçant et gérant de l'agence de
voyage, fait savoir qu'il a "appelé B.S quand les militaires ont
intercepté le colis. Je lui ai dit que les militaires ont trouvé un colis où il
y avait des tenues militaires. Il a demandé à qui était destiné le colis. J'ai
dit qu'il y avait le prénom "Sita" inscrit sur l’emballage. Après le
jeûne, il était censé venir avec le grand frère du destinataire final afin
d’expliquer ce dont il est question. Mais ils ne sont jamais venus". K.H
avoue également avoir fait preuve de naïveté dans l'expédition de ces colis ; « Il
n'était écrit nulle part dans le registre, l’identité du destinataire et la
date de sortie du colis », précise le juge. "Il y avait 16
colis et sur chaque colis, le nom de l'expéditeur ou du destinataire. Mais nous
n'avions pas les numéros de tous les destinataires. Nous avons envoyé les colis
à G.A. Les destinataires devaient venir récupérer leurs colis chez lui. Voilà
pourquoi je n'ai pas rempli le registre de sortie des colis", se
défend-t-il.
K.S.M affirme au tribunal qu'il a juste servi
d'intermédiaire entre K.H et G.A. En effet, c'est ce dernier qui a réceptionné,
à Djibo, les colis en provenance de Ouagadougou. Il était du moins censé le
faire. "Il a expédié les colis et donné mon numéro au chauffeur. Le
matin à 6h, ce dernier m'a appelé. Je lui ai dit de remettre la marchandise à l’un
de mes frères boutiquiers sur place, parce que j'étais avec mes élèves. Il m'a
dit qu'il voulait que tous les colis soient expédiés. Et il m'a dit de donner
50 000 francs à G.A. Je lui ai envoyé ce montant", dit-il au
tribunal.
« Ce ne sont pas des terroristes »
Le parquet, lors de ses réquisitions, indique qu'aucun
élément ne prouve que les trois individus sont réellement impliqués dans cette
organisation terroriste. "Il n'y a pas de certitude que les prévenus
étaient conscients qu'ils convoyaient des effets destinés à des
terroristes", pense-t-il. Ils ont été utilisés, dit-il, pour convoyer
le colis jusqu'à destination. "Ils reconnaissent avoir, à un certain
moment, servi d'intermédiaire de ces colis contenant des tenues
militaires", renchérit-il. Selon lui, les faits ne sont donc pas constitués.
Par conséquent, il requiert la relaxe pour les trois prévenus.
Les conseils des mis-en-examen vont dans ce sens. L’un
des avocats en vient même à exprimer sa gratitude au procureur. "Je
vous exhorte à aller dans le même sens que le parquet parce qu'il a raison. Ce
ne sont pas des terroristes. Monsieur le président, honorables membres du
tribunal, je vous demande d'appliquer équitablement la loi. Parce que je suis
convaincu que ce ne sont pas des terroristes ; les terroristes, on les
connaît. Et ceux qui sont en face de vous n'ont rien à voir avec des
terroristes", clame-t-il. Le conseil de G.A déclare également avoir
été convaincu, dès le départ, de l'innocence de son client.
Le tribunal a finalement rendu son verdict. Il a décidé
de relaxer les trois prévenus au bénéfice du doute.