Ce 19 juin, comparait au Tribunal de grande instance Ouaga 2, I.D et A.S,
tous membres d’un groupe terroriste. Il est reproché à I.D « des faits
d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ».
A.S, lui, doit répondre « des faits d'association de malfaiteurs en lien
avec une entreprise terroriste, de tentative d'assassinat, de détention
illégale d'armes à feu et de munitions à des fins terroristes ». Mais
aussi de « destruction aggravée volontaire de biens mobiliers et
immobiliers en lien avec une entreprise terroriste et d’entraînement à des fins
terroristes ». Ils écopent d'une peine de 21 ans de prison dont 10 ans
fermes et 8 ans de sûreté, assortie d'une amende de 2 millions FCFA chacun.
Le tribunal appelle I.D à comparaître pendant que le soleil est au zénith.
La salle d’audience est comble. Habillé d'un ensemble bleu clair, cet adepte d’un
groupe terroriste influent avance pour écouter le contenu de l'ordonnance de
renvoi du juge d'instruction. Très calme, tête baissée, l'on croirait qu'il
n'est lié à aucun des faits qui lui sont reprochés.
Selon l'ordonnance de renvoi, I.D est âgé de 34 ans. Il était berger avant
de rejoindre les rangs des combattants terroristes. Les faits remontent à 2019
lorsque des terroristes l'approchent alors qu'il faisait paître ses bœufs. Ils
lui proposent un salaire supérieur à celui qu'il gagnait dans son activité de
berger. Ils échangent donc les numéros de téléphone. Plus tard, il décide
d'intégrer le groupe. Il ira ainsi suivre une formation "militaire"
d'environ 10 jours au Mali. Après cette formation, il rentre chez lui et
revient une seconde fois. Mais la base terroriste a changé d'emplacement et se
situe maintenant en Côte d'Ivoire. Il le rejoint néanmoins et y passe deux mois
pendant lesquels il apprend à manier les armes et à suivre une formation
militaire.
Il dit n’avoir jamais participé à une attaque avec ce groupe. Raison
invoquée : il n'était pas assez expérimenté. Il reconnaît cependant avoir
été « baptisé » après son intégration. Une technique qui, selon lui,
permettrait de protéger sa véritable identité.
Il dit être conscient que le groupe n’appliquait pas vraiment la
"volonté d'Allah". Ce groupe s'adonnait en effet à des crimes odieux.
"Ça ne me plaît pas de voir des morts. Je me suis retiré mais je ne
pouvais pas porter l'info aux autorités de peur que les gens du groupe me
tuent", confie-t-il.
Le prévenu assure avoir intégré ce groupe par principe et non pour des
raisons financières. Tout le contraire de ce qu'il a dit lors de l'enquête
préliminaire, selon le procureur.
Il est finalement arrêté le 27 octobre 2019 pour vols de bétail. Les
enquêteurs découvrent, par la suite, qu'il était en lien avec une entreprise
terroriste. Il reconnait les faits qui lui sont reprochés.
« La religion n’est pas en accord avec ces crimes »
A.S est également célibataire et père de deux enfants. Il adhère au même
groupe, en 2018, par l'intermédiaire d'un ancien camarade. Il reconnaît, sans
ambages, être membre et combattant de ce groupe. Comme I.D, il a suivi une
formation au Mali. Il dit y être allé pour perfectionner ses convictions
religieuses. " Quelqu'un m'a dit que les membres du groupe enseignent les
paroles religieuses. A mon arrivée, celui qui m'a informé était déjà parti dans
un autre groupe. Au lieu de la religion, nous avons appris à manier des
armes", affirme-t-il aux juges. Il reste ainsi dans le groupe et se forme
pendant un mois. "Tu ne sais donc pas que ces derniers commettent des
crimes et s'en prennent aux FDS et aux civils ?", demande le juge. "J'y
étais pour la religion. Quand j'ai compris que ce n'était pas totalement ça,
j'ai quitté le groupe. Je savais que ces actes étaient en contradiction avec
les lois du pays. Le fait que des gens innocents soient tués m'a touché. La
religion n'est pas en accord avec cela", répond le prévenu.
Après sa formation au Mali, il revient au Burkina et y retourne une seconde
fois pour, dit-il, « parfaire sa formation ». Mais pour raison de
maladie, son séjour sera écourté. Il revient au Burkina et intègre le groupe
dont une base est située dans la forêt de Mangodara. Il convainc son frère, son
beau-frère et deux de ses amis proches de s’y engager.
Lors d'une attaque, son beau-frère est abattu par les FDS. Conscient que
ces derniers peuvent remonter jusqu'à lui, il décide de prendre la fuite. Mais
il sera arrêté en 2019, par la police, à Bobo-Dioulasso. Il tente alors de dissimuler
son identité aux policiers.
Les deux prévenus ont révélé que leur groupe était à la base de plusieurs
attaques dans la région des Cascades. Ils citent les attaques de Wô, Sakiri,
Sidéradougou et Mangodara entre 2018 et 2020.
Tous coupables !
Pour ses réquisitions, le procureur se dit convaincu que le prévenu
I.D est coupable des faits qui lui sont reprochés. "Si le vol de
bétails ne l’avait pas conduit à la police, I.D serait l'un des combattants qui
terrorisent les populations actuellement", dit-il. Il a donc requis
une peine de 21 ans dont une période de sûreté de 15 ans avec une amende ferme de
2 millions de FCFA.
Quant à A.S, pour ses réquisitions, le procureur a changé de ton, comme
s'il était en colère contre le prévenu. "N'eut été la mort de son beau-frère
lors d'un combat, ce dernier ne serait certainement pas dans ce tribunal. Il a
été interrompu dans son élan de s'attaquer aux populations et aux FDS par son
arrestation", dit-il. Le parquet a requis contre lui une peine
d'emprisonnement à vie.
Mais ils seront finalement condamnés par le tribunal à une peine
d'emprisonnement de 21 ans dont 10 ans fermes et une période de sûreté de 8 ans,
assortie d'une amende de 2 millions chacun. Ils ont été reconnus coupables des
faits d'association de malfaiteurs. Par contre, A.S a été relaxé pour les
autres les faits : tentative d'assassinat, détention illégale d'armes à
feu et de munitions à des fins terroristes, destruction aggravée volontaire de
biens mobiliers et immobiliers en lien avec une entreprise terroriste et
entraînement à des fins terroristes.
La Rédaction