Le
procès des présumés terroristes s'est poursuivi au Tribunal de grande instance
Ouaga 2, ce 15 juin 2023, avec la comparution d'un collecteur d'impôts (zakat),
nommé O.B. Il lui est reproché des faits d'association de malfaiteurs
terroristes, détention illégale d'armes à des fins terroristes et formation au
maniement d'armes à des fins terroristes. Il reconnaît être membre d’un groupe
terroriste. Il a été condamné à 30 ans de prison ferme et à une amende de 10
millions de francs CFA.
O.B,
estropied et âgé de 34 ans, est appelé à comparaître en cette matinée du 15
juin. Assis, avec les autres prévenus, il attend patiemment de passer à la
barre. Après plus de trois heures, l'heure d'entendre sa version des faits
sonne. Accompagné par un garde de sécurité pénitentiaire, il avance lentement
vers la barre, en s'appuyant de toutes ses forces sur ses béquilles. Aidé par
son interprète, le jeune homme s'asseoit et écoute avec une attention
particulière tous les faits qui lui sont reprochés.
Le
cauchemar de O.B remonte à 2020 lorsque la Force Barkhane le capture avec trois
de ses compagnons dans la localité de Tin-Akoff, province du Soum, alors qu'ils
étaient en train d'établir un campement, le 9 mai 2020. Ils ont quitté le nord
du Mali après une altercation entre les principaux groupes terroristes de la
zone. Selon le procureur, O.B et cinq autres individus étaient armés lorsqu'ils
ont été confrontés aux forces armées françaises. Il aurait été le premier à
ouvrir le feu sur les soldats français. Mais il a été touché à la jambe lorsque
les éléments de la Forces Barkhane ont organisé la riposte. Ce qui lui a
valu l'amputation de son pied droit, indique le procureur.
O.B
admet avoir rejoint volontairement un groupe terroriste, affilié à un autre
très actif au Burkina. Il occupait le poste de collecteur d'impôts. Les visions
de ce groupe répondaient à ses aspirations, dit-il. Il avoue également avoir
prélevé la Zakat, une sorte d'impôt, principalement chez les éleveurs et les
agriculteurs.
En
contrepartie de ses services, ses supérieurs, notamment A.Z, lui offraient
quelques fois, de petites sommes d’argent. Mais il dit n’avoir pas intégré le
groupe pour des rétributions financières. Mais plutôt pour des « raisons
religieuses ».
Ce
collecteur d'impôts a rejoint le groupe terroriste par l'intermédiaire d'un
ancien camarade de l'école coranique, nommé A.A. Il a été formé et a servi dans
ce groupe pendant deux ans avant d'être pris dans les filets de la Force
Barkhane. Lorsqu’il a été capturé, O.B était en compagnie de six de ses
compagnons, tous sous sa responsabilité. Les forces françaises ont réussi à l’arrêter,
lui et trois de ses hommes.
Le
président du tribunal lui demande s’il reprendrait ses activités
terroristes si jamais il était relaxé. Le prévenu affirme qu'il « ne
servirait plus à rien » dans les combats. "Je ne peux plus rien
faire. Vous voyez bien que je tiens à peine debout", répond-t-il.
« Je
ne suis pas un combattant »
A
la barre, O.B nie avoir utilisé des armes à feu contre qui que ce soit.
Pourtant, selon les éléments de l’enquête, les forces françaises ont trouvé sur
lui, lors de son arrestation, une arme AK 47, six chargeurs et 150 munitions.
"Je prélève seulement la zakat. Je ne suis pas un combattant. Je
reconnais avoir été formé au maniement des armes, mais je n'ai jamais tiré sur
qui que ce soit", insiste-t-il auprès du procureur qui tente de lui
faire avouer ses crimes. "Nous avons prélevé la Zakat au Mali, mais
aussi au Burkina. Souvent, quand on retrouve des personnes regroupées, on les
informe qu'ils doivent payer la zakat. On prélevait la zakat principalement
chez les éleveurs. Mais les agriculteurs payaient aussi la zakat avec leurs
récoltes", affirme-t-il. Il ajoute qu'aucune sanction n'était
infligée aux populations qui refusaient ou qui ne pouvaient pas payer la zakat.
Une affirmation qui ne convainc pas le président du tribunal qui laisse
paraître un sourire moqueur comme pour dire : "tu nous prends pour des
enfants ?"
Selon
le prévenu, une partie de la zakat prélevée était partagée « entre les
familles démunies et vulnérables ». Le reste était reversé à A.Z, son
supérieur immédiat, par ailleurs formateur.
« Je
suis convaincu qu’il est l’un des responsables de ce groupe »
Pour
le procureur, le prévenu essaie de se débiner. Il estime que selon les
déclarations de ce dernier chez le juge d'instruction et à la barre, l'on peut
conclure qu’il occupait une grande responsabilité dans l'organisation. "Au
regard de sa déclaration, je suis convaincu qu'il occupait un poste de responsable
dans ce groupe. Pour preuve, il avoue lui-même avoir rencontré A.W, le
chef de l'EIGS. C'est bien parce que ce dernier lui faisait assez
confiance", pense-t-il. Selon le parquet, O.B était en mission
spéciale au Burkina lorsqu'il a été intercepté par la Force Barkhane. Cette
mission, si l’on en croit le procureur, consistait à implanter une base
terroriste et à étendre l'emprise de ce groupe terroriste dans le Nord du
Burkina.
Il
a donc souhaité que le tribunal déclare O.B coupable de tous les faits qui lui
sont reprochés. Il a ainsi requis une peine de 30 ans de prison fermes à
l'endroit de O.B, assortis d'une amende de 5 millions de francs CFA.
Le
tribunal a finalement condamné O.B à une peine de 30 ans de prison fermes, dont
20 ans de sûreté, assortie d'une amende de 10 millions de francs CFA. Les armes
saisies lors de son arrestation ont également été confisquées.
La Rédaction