Un procès de présumés terroristes
s’est ouvert le 12 juin au tribunal de grande instance Ouaga 2. A la barre, S.H
et K.O. Après plusieurs heures de débats, le premier a été condamné à la
perpétuité. K.O, lui, écope de 10 ans fermes assortis d'une période de sûreté.
L’ambiance est lourde, ce 12
juin, dans la salle d’audience du TGI Ouaga 2. Des éléments des Forces de
défense et de sécurité sont postés à certains endroits de la cour du palais de
justice. Avec eux, des chiens dressés. Ils font, par moments, le tour pour
s’assurer que, côté sécurité, tout se passe bien. Peu après 8h, des présumés
terroristes font leur entrée dans la salle, menottés et surveillés de près. Ils
s’installent sur le banc des accusés.
Le membres du tribunal font
également leur entrée, quelques minutes après. Le procès commence. Il est
notifié aux prévenus les charges qui pèsent contre eux. S.H est poursuivi pour
faits d'«association de malfaiteurs avec une entreprise terroriste, faux et
usage de faux, détention illicite d’arme à feu, assassinat d’une personne
protégée internationalement, tentative d’assassinat et destruction volontaire de
biens mobiliers ».
K.O, lui, est face aux juges pour
des faits « d'association de malfaiteurs avec une entreprise
terroriste ».
« Il m’a dit que les 60
millions FCFA, c’est l’argent des terroristes »
La vie de S. H bascule en 2015.
De nationalité burkinabè, cet homme, âgé de 36 ans, dit avoir été banni de sa
famille par son père. La raison ? Il n’en parle pas devant le tribunal. Il
affirme simplement que cela relève de sa vie privée. Il dit avoir été par la
suite confronté à des difficultés financières. Il décide alors de se rendre au
Mali pour « chercher un boulot ». Sur le territoire malien, il
intègre la « police islamique », à Tombouctou. « J’ai passé
six mois à la police islamique. Je faisais la cuisine. Je participais aussi à
des patrouilles pour donner des ordres à la population. Concernant notamment leur
mode de vie et le port du voile », a-t-il déclaré. Mais la Force française Barkhane
finit par mettre fin aux agissements de la police islamique. Le groupe se
disloque. S.H revient à Ouagadougou.
Mais il est toujours confronté
aux difficultés financières. Il retourne au Mali. Cette fois, il se rend sur un
site aurifère. Un jour, un orpailleur arrive sur le site, muni d’une importante
somme d’argent en euros, évalué à une soixantaine de millions de francs CFA.
« Je l’ai supplié de me donner un peu d’argent mais il a refusé. Il m’a
dit que c’est l’argent des terroristes et qu’il est chargé de faire du change.
Il a par contre proposé de m’amener chez les terroristes. J’ai accepté », confie-t-il à la barre.
Il est ainsi présenté au groupe
d’Ansar Eddine. Il reste dans ce groupe pendant un mois. Durant cette période,
la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA) est attaquée. Deux morts :
un élément des « Casques bleus » et un soldat des Forces armées
maliennes. Même si S.H nie avoir participé à cette attaque, le procureur estime
qu’un faisceau d’indices pèse sur lui. C’est la réussite de cette attaque qui
lui a valu de rencontrer Y., un grand leader terroriste, selon le procureur.
« Ils m’ont remis 2, 3 millions, des grenades et
m’ont confié une mission »
« Quand j’ai rencontré Y.
à la frontière de la Mauritanie, il m’a confié une mission. Il m’a remis la
somme de 2, 3 millions FCFA et m’a dit de me rendre en Côte d’Ivoire pour
attaquer les Occidentaux. Plus tard, l’un de ses fidèles a glissé deux grenades
dans mon sac, l’une défensive et l’autre offensive », déclare S.H. Il
décide de revenir au Burkina, le temps de « voir clair » dans la
mission qui lui est confiée.
« J’avais oublié les
grenades. A un poste de contrôle, les policiers ont même fouillé mon sac mais n’ont
pas vu de grenades. Quand je m’en suis rappelé, j’étais déjà dans la ville de
Bobo. J’ai récupéré les grenades par la suite. Je voulais les jeter mais j’ai
eu peur d’être aperçu par quelqu’un. J’ai donc continué à Ouagadougou avec les
grenades ». Sur le trajet Bobo-Ouaga, il organise un plan pour se
débarrasser des grenades.
« J’ai pensé à les donner
à K.O, car il vit dans une zone non lotie et près d’une décharge. Je me suis
dit qu’il pourrait les enterrer dans la décharge, la nuit venue. J’ai donc mis
les grenades dans une carafe et je lui ai remis ».
Face aux juges, un autre présumé
terroriste, K.O, raconte son histoire. « Je me suis rendu à Tombouctou,
pour chercher du travail et non pour intégrer un groupe terroriste »,
déclare-t-il. Mais il a été intégré dans le groupe Ansar-Dine par S.H. « Dans
le groupe, j’apprenais le Coran aux autres et on nous apprenait à manier la
kalachnikov. J’ai demandé la permission afin de ramener mon fils de 4 ans qui
était avec moi au Burkina Faso. Une fois au pays, je ne suis plus reparti à
Tombouctou. Ils ont envoyé des gens me rencontrer pour comprendre pourquoi je
ne revenais pas. Nous nous sommes rencontrés au rond-point de la Patte d’oie. Je
leur ai signifié que je ne voulais plus faire partie du groupe ».
Réquisitions du procureur
Pour le procureur, les faits
reprochés aux deux présumés terroristes sont caractérisés. Il a requis contre
eux les peines maximales en la matière.
En vertu du principe de non-rétroactivité
de la loi, il s’est fondé sur le Code pénal en vigueur au moment des faits. Il a
ainsi requis, à l’encontre de K.O, une peine d’emprisonnement de 10 ans et une
période équivalant « à 2/3 de période de sûreté de cette peine ». Concernant S.H, il a requis une peine
d’emprisonnement à vie, en vertu des dispositions du nouveau Code pénal.
Le tribunal, après avoir délibéré,
a déclaré coupable K.O des faits qui lui sont reprochés. Et reconnu S.H
coupable « des faits d’association de malfaiteurs, de complicité
d’assassinat d’une personne internationalement protégée, de complicité de
tentative d’assassinat et de complicité de dégradations de biens ». S.H a
donc été condamné à la prison à perpétuité. Le tribunal a également condamné
K.O à 10 ans de prison ferme.
La Rédaction