Guerre contre le terrorisme : « Comment nous avons libéré Solenzo »

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Guerre contre le terrorisme : « Comment nous avons libéré Solenzo »

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C’était une mission à hauts risques. Mais ils ont réussi à hisser le drapeau du Burkina au cœur de la ville de Solenzo, occupée depuis 2022, par des terroristes. L’équipe, composée de policiers, de gendarmes et de militaires, a aussi mené des offensives dans les localités voisines contre des nids de terroristes. Et elle a pu, là aussi, les débusquer et saisir d’importantes quantités d’armes, de motos et de médicaments. Le chef de l’Etat, le Capitaine Ibrahim Traoré, est allé les voir spécialement, fin décembre 2022, pour les féliciter. Et requinquer leur moral pour la suite du combat. L’opération a été parsemée d’obstacles. Avant même d’arriver à Solenzo, les éléments de la police ont été la cible d’une embuscade. « L’un de leurs véhicules a sauté sur une mine. Mais les policiers se sont vite réorganisés.  Ils ont même capturé l’un des chefs terroristes. Les gendarmes et les policiers ont aussi été confrontés à de gros obstacles », confie un acteur clé de cette opération, kalachnikov en bandoulière. Dans cette interview, il déballe les grandes lignes de cette offensive.

Comment vous êtes-vous senti après avoir débarrassé la ville de Solenzo de cette horde de terroristes ?

Nous étions animés d’un sentiment de joie et de fierté ! Le sentiment d’avoir accompli une mission à hauts risques, d’avoir été utiles à notre pays. Nous sommes convaincus qu’il est bien possible de broyer l’ennemi et de restaurer l’intégrité territoriale. Avant notre arrivée à Solenzo, la situation sécuritaire dans la zone était extrêmement préoccupante. Les terroristes avaient le contrôle de toutes la zone et ils commettaient des exactions sur les populations civiles. Ils s’en prenaient également aux positions des Forces de défense et de sécurité. Provoquant ainsi de nombreux morts et d’importants dégâts matériels. Il fallait impérativement mettre fin à ce désordre, anéantir les forces du mal et redonner aux populations de cette zone, le droit de vivre et de vaquer paisiblement à leurs occupations.  Nous avions à cœur de débarrasser Solenzo et ses environs des forces du mal, de hisser le drapeau national au cœur de la ville. Et c’est ce que nous avons fait !

De façon concrète, comment avez-vous mené l’offensive ?

Elle a été menée par une mission conjointe. Trois corps des Forces de défense et de sécurité ont été déployés : une équipe de la gendarmerie, une de l’Armée et une autre de la police nationale, le Groupement des unités mobiles d’intervention (GUMI), créée en 2022 pour la lutte contre le terrorisme. Les éléments de la police ont quitté Ouagadougou, début décembre, pour se rendre d’abord à Dédougou.  C’est dans cette ville, au sein du camp militaire, que les zones d’intervention des différentes équipes ont été répartis. Il était manifestement difficile de mener directement une offensive contre les groupes armés présents à Solenzo. Il fallait d’abord neutraliser les terroristes installés dans certaines zones avant d’arriver à Solenzo. L’équipe de la police nationale, le GUMI, s’est ainsi occupée de Ouarkoye. Les équipes de l’Armée et de la Gendarmerie nationale, qui étaient déjà en alerte, sont parties de Bobo. Neutralisant sur leur passage, les terroristes présents dans les localités de Bondokuy, Kouka, Dena, des villages proches de Solenzo. Cette première étape de la mission a duré à peu près deux semaines. Nous l’avons menée avec succès. Les terroristes qui s’étaient installés dans ces zones ont été neutralisés.

Il fallait maintenant passer à l’étape 2 : la grande offensive pour rentrer à Solenzo. La ville était devenue un nid de terroristes. Ils se pavanaient à Solenzo et dans les localités environnantes. Les éléments de la police nationale se sont d’abord déployés à quelques encablures de la ville, en passant par l’axe Dédougou-Sanaba. Les éléments de l’Armée et de la gendarmerie, eux, étaient déjà positionnés près de Solenzo. Ils sont arrivés dans la zone avant les éléments du GUMI. Ces derniers, bien que déterminés, étaient confrontés à des difficultés majeures. Lorsque nous avons fait le point sur le terrain, il est ressorti qu’ils ne disposaient pas de moyens adéquats pour cette mission. Bien avant de quitter Ouagadougou, le problème avait été posé. Mais la hiérarchie leur avait dit de se mettre en route et que cela serait réglé le plus tôt possible. Il fallait absolument être dans les délais fixés pour la libération de la ville. Or, la voie Sanaba-Solenzo était minée. La zone était également infestée par des terroristes. Le Directeur général de la police nationale, le ministre de la Sécurité et le Premier ministre ont rassurés les éléments qu’une fois à Solenzo, ils auraient tout le matériel dont ils ont besoin. En clair, ils leur ont dit d’utiliser les moyens de bord en attendant que le problème soit résolu. Et que si en cours de route, ils ont des soucis, l’aviation viendrait les appuyer. Le Directeur régional de la police nationale, basé à Dédougou, les a également rencontrés pour les réconforter. Il leur a dit que depuis mars 2019, l’armée n’avait plus emprunté la voie Sanaba-Solenzo. Mais qu’il avait confiance en eux et qu’il savait qu’ils pouvaient relever le défi. Dans tous les cas, tout comme l’armée et la gendarmerie, les éléments de la police nationale étaient pleinement engagés pour la mission. Et comme ces trois corps devaient mener l’opération, ils étaient davantage motivés. Ils ont ainsi pris la route le 14 décembre. Lorsqu’ils ont dépassé Sanaba, ils ont été confrontés à un premier obstacle. L’un des véhicules a sauté sur une mine. Une embuscade tendue contre l’équipe. Mais les éléments se sont très vite réorganisés et ont neutralisé les terroristes qui ont tendu cette embuscade. Ils ont même capturé celui qui tenait la télécommande qui a servi à déclencher la mine. Malheureusement, trois blessés ont été enregistrés côté policiers. Un hélicoptère est venu, comme promis. Les blessés ont ainsi été évacués et pris en charge. Mais jusqu’à présent, deux d’entre eux doivent subir une intervention chirurgicale. Des débris d’explosifs sont restés dans leurs corps. Il faut les extraire et procéder à des soins appropriés. Mais selon les services de santé, ils ne sont plus en danger de mort.

Que s’est-il passé en suite ?

Cet incident, loin de nous décourager, a plutôt galvanisés les éléments de la police, de la gendarmerie et de l’Armée. Certes, les difficultés n’ont pas manqué. Mais nous étions convaincus que nous pouvions relever les défis. En réalité, les terroristes ne sont pas invincibles. Nous sommes donc restés focus sur l’objet de la mission : libérer Solenzo et sécuriser les espaces reconquis. Il fallait donc exterminer ces hordes de mécréants qui circulent en haillons. Certains d’entre nous étaient à leur première mission d’envergure. Mais nos groupes, il y avait des éléments très expérimentés. Les éléments du GUMI ont ainsi balayé les terroristes de la localité de Sanaba jusqu’à Solenzo-ville. L’armée et la gendarmerie ont également nettoyé la vaste zone qui va de Bobo à Solenzo. Quand nous étions en train de rentrer à Solenzo, la population est sortie pour nous acclamer. Ça fait vraiment chaud au cœur de savoir que nous avons été utiles pour cette population, pour notre pays. Je me souviens des propos d’un résident qui nous a dit : « Pour tout ce que vous avez fait pour la ville de Solenzo, on ne saurait suffisamment vous remercier. Les primes ne peuvent pas compenser convenablement vos efforts. Mais chaque enfant que vous verrez ici, qui sourit et vous salue, est le symbole d’une bénédiction infinie à votre égard ».

Les terroristes sont-ils revenus à la charge comme ils le font souvent ?

Certes, nous avons libéré Solenzo ville, mais le travail n’était pas pour autant terminé. Il fallait débarrasser les villages environnants des nids de terroristes. Notamment les villages de Bayé, Ban, Daboura, Kiè et autres. Mais avant de lancer cette nouvelle offensive, il fallait sécuriser l’acquis. Il ne suffit pas en effet de rentrer dans une ville. Il faut se rassurer que dans les alentours, il n’y a pas de bases, ni de nids de terroristes. Il fallait faire ce travail de fond avant de se focaliser sur les villages voisins. Lorsque nous avons entrepris ce travail de nettoyage, nous avons été informés que des terroristes étaient toujours à Sanaba. Une équipe s’est déporté sur les lieux. Mais à son arrivée, ils étaient déjà partis après avoir fait d’énormes dégâts. Ils ont abattu plusieurs habitants et brûlé des boutiques. Les éléments ont campé à Sanaba pendant cinq jours, se disant qu’ils allaient revenir. Ils avaient même miné la mairie de Sanaba et le commissariat où il n’y avait plus de policiers. L’équipe les a attendus en vain. Elle a ensuite reçu instruction de retourner à Solenzo et de continuer la mission. Elle voulait que des éléments reste sur place mais la hiérarchie a estimé que  ce n’était pas nécessaire. Car la population avait déjà quitté Sanaba. Il fallait aller à Solenzo afin de se réarticuler, libérer complètement la ville, avoir une base fixe là-bas et permettre, ensuite, à la population de Sanaba de revenir dans sa localité. Ainsi, de Solenzo, nous nous sommes déployés dans les villages voisins. Nous avons effectué cette mission avec succès : l’équipe de la police a passé, par exemple, plusieurs nuits à Kiè, Bayé, etc. Celles de l’armée et de la gendarmerie se sont déployées à Bonkuy, Kouka Bena et d’autres localités proches de Solenzo. Nous avons détruit des bases de terroristes et empêché des enlèvements d’habitants de la zone par des terroristes. Entre-temps, les terroristes ont exercé une grosse pression sur les populations de ces villages. Se disant probablement que c’est la population qui informait les FDS. Ils leur ont donc intimé l’ordre de quitter certains villages. Nous avons empêché cela. Aujourd’hui, il n’y a presque plus de terroristes à Solenzo ou ses environs. Nous les avons neutralisés. Quelques-uns se sont dispersés. Et à ce sujet, je me rappelle d’une histoire vécue par le GUMI : un jour, les éléments ont abattu un chef terroriste dans la zone. Ils ont constaté qu’il était bien mort.  Ils ont alors récupéré l’un de leur «talko» (talkie-walkie, NDLR). Cela leur a permis d’écouter les conversations des terroristes. L’un d’eux a dit : «Est-ce que tu sais que … est mort ? Je le confirme, il a été abattu ». Et son interlocuteur de répondre en exprimant toute sa désolation, sa tristesse face à cette nouvelle. La suite de la conversation a permis de savoir que dans le milieu des terroristes, on le prenait pour quelqu’un de «wacké», quelqu’un qu’on ne pouvait pas du tout atteindre. Mais il a été abattu. Cela signifie que les terroristes ne sont pas invincibles, contrairement à ce que tentent de faire croire certaines personnes sur les réseaux sociaux. Certes, lorsque nous détruisons les bases terroristes, certains arrivent à fuir. On ne pourra pas tous les tuer. Il y aura toujours des fuyards qu’on ne pourra pas appréhender. En réalité, ces derniers sont carrément déboussolés. Les bases détruites ne peuvent plus être reconstituées. Si certains terroristes délogés de leurs bases avaient la possibilité de parler, ils diraient sans doute qu’ils ont hâte de déposer les armes. Ils ne savent plus quoi faire de leurs armes. Depuis que nous avons détruit les bases de terroristes à Solenzo et dans les villages voisins, aucune de ces bases n'a pu se reconstituer. Les fuyards ne se hasardent plus à venir vers nous. Mais souvent, sur les réseaux sociaux, certaines informations inexactes sont véhiculées, tendant à faire croire que les terroristes sont revenus en masse dans la zone de Solenzo. Cela est complètement inexact.

Justement, sur les réseaux sociaux, certaines informations tendaient à dire que les éléments de de la police déployés à Solenzo n’avaient pas reçus leurs primes d’opérations. Qu’en est-il ?

Effectivement, un activiste a fait une publication évoquant des problèmes de primes. Des informations qui ressortent de la mission conjointe, il s’avère que cette information n’est pas exacte. En réalité, l’une des équipes était en fin de mission et devait être relayée par d’autres éléments. Or, pour envoyer les frais de missions à Solenzo, c’est protocolaire. Il faut organiser une autre mission, une escorte, qui partirait de Ouagadougou. Et comme ces éléments pratiquement en fin de mission, ils ont estimé qu’il était plus judicieux d’arriver à Ouagadougou, d’émarger et percevoir leur dû. Et c’est ce qui s’est passé. J’ai eu confirmation qu’ils ont tous été payés. Il n’y a eu aucun problème concernant les frais de mission. A l’arrivée de l’équipe à Ouagadougou, le ministre de la Sécurité les a rencontrés et les a même félicités pour le travail abattu. Il faut que dans cette lutte contre le terrorisme, chacun puisse jouer convenablement sa partition. Que vous soyez journaliste, activiste ou autres, vous devez apporter votre contribution, de façon saine, pour libérer notre pays de l’hydre terroriste. Il ne faut pas que les efforts que nous faisons sur le terrain soient vains ou fragilisés par certaines publications d’activistes. Il faut une dynamique commune, de sorte à décourager ceux qui viendraient à vouloir s’enrôler comme terroristes. Et que ces derniers sachent que s’ils s’engagent dans cette voie, ils seront neutralisés. Il ne faut pas donner l’impression aux terroristes qu’ils sont en train de gagner du terrain. Car, en réalité, ils sont en déroute, même s’il y a toujours des poches de résistances dans plusieurs localités.

Il nous revient que de Solenzo, l’une des équipes de la police, appelée, semble-t-il,  « Equipe Sorcière », a mené une action redoutable dans la localité de Sanakouy. Comment s’est passé cette offensive ?

A Solenzo, on nous a effectivement signalé la présence d’une base terroriste dans la localité de Sanakouy. Une équipe a décidé de s’y rendre. Au niveau des éléments de la police, l’équipe a été scindée. L’une d’elles a effectivement été surnommée « Equipe sorcière ». Mais la hiérarchie, chargée de conduire la reprise de Solenzo, avait estimé qu’ils n’étaient pas en nombre suffisant pour mener cette opération. Et qu’en plus, ils ne disposaient pas de suffisamment d’informations et que, de ce fait, ils risquaient de se faire prendre par l’ennemi. Mais ils tenaient vraiment à neutraliser cette base. En venant à Solenzo, nous avions tous la pleine conscience que nous pourrions mourir et que si cela arrivait, nous l’aurions fait pour la patrie. Les éléments en question ont donc mesuré l’ampleur de la mission.  Ainsi, ils ont décidé de s’organiser et de passer à l’offensive. Ils ont même signalé à la hiérarchie que s’il leur arrivait quelque chose, ils étaient prêts à assumer l’entière responsabilité. Et c’est là qu’ils ont contacté le Capitaine présent dans la zone pour l’en informer. Ce dernier leur a dit que pour une mission de ce type, il fallait l’avis de la haute hiérarchie. Cela pour qu’en cas de difficultés, un hélico vienne leur apporter un appui ou récupérer, éventuellement, les blessés pour des soins. Après analyse, ils se sont rendu compte que s’ils ne prenaient pas les devants en créant un effet de surprise, et que les terroristes venaient vers nous, ce serait compliqué à gérer. Le bilan de notre côté pourrait être lourd. Les éléments se sont donc attrapés les mains et ont dit « Un pour tous, tous pour un ». Ils ont ainsi décidé de passer à l’assaut. Et ils ont détruit la base terroriste. Ils ont également pu récupérer une importante quantité de médicaments abandonnée par les terroristes. Si on fait une évaluation, c’est à peu près l’équivalent des médicaments de trois pharmacies tel qu’on le voit en ville. Ils ont aussi saisi des armes et des motos. Ensuite, ils ont replié dans un village voisin. Le lendemain, l’équipe a appelé les éléments qui sont restés à la base. Ces derniers venus récupérer le matériel saisi avec des pickups.

Comment analysez-vous la gestion de la crise sécuritaire par le Capitaine Ibrahim Traoré, vous qui êtes en première ligne dans cette guerre ?

Depuis son arrivée, la situation évolue positivement sur le terrain. Certes, il y a des insuffisances et il est tout à fait normal d’apporter des critiques, mais aussi des propositions pour que la situation change positivement pour le bien de tous. Nous avons par exemple déploré, au début, le fait que la police, la gendarmerie et l’armée, tous des frères d’armes, aillent à la même mission et que nous n’ayons pas tous les mêmes primes. Certains touchaient plus que d’autres. Mais quand le chef de l’Etat est venu sur le théâtre des opérations, il a tenu compte des observations et il a rétabli les éléments de la police qui ne percevait pas les mêmes primes, dans leurs droits. Il a dit de mettre tous les éléments sur un pied d’égalité et c’est ce qui a été fait. Cela a davantage galvanisé les éléments sur le terrain et créé une cohésion de groupe. L’armée et la gendarmerie ne pouvaient que s’en réjouir. Nous avions en effet besoin d’être soudés pour remporter les combats futurs. Et il était bon que nous bénéficiions des mêmes primes. C’est pour vous dire que les critiques peuvent permettre de faire avancer les choses. Mais il faut le faire de façon saine. Il faut surtout éviter de propager des informations infondées, surtout sur les réseaux sociaux, en prétendant ainsi critiquer. Lorsque la critique repose sur des faits réels et fondés, l’autorité a tendance à prêter une oreille attentive.

Nous souhaitons cependant que le président résolve véritablement la question des équipements des forces combattantes. La gendarmerie et la police par exemple devraient être équipés de la même manière que les militaires. Un poste de gendarmerie ou un commissariat à Sanaba ou ailleurs, devrait disposer de moyens adéquats pour faire face aux terroristes. Cela permettra aussi de « consolider » les zones reprises par les Forces de défense et de sécurité. Si les commissariats et les postes de gendarmerie ont des équipements adéquats, ils peuvent résister en cas d’attaque jusqu’à ce qu’ils obtiennent un appui terrestre ou aérien. Ils pourront aussi prendre des initiatives pour neutraliser l’ennemi. Dans le cas contraire, ils seront souvent obligés de quitter leurs zones face à la puissance de feu des terroristes. Dans le cas de la police par exemple, nous avons déploré le fait qu’ils aient reçu certains matériels seulement lorsqu’ils sont arrivés à Solenzo.

Quand le chef de l’Etat est allé à Solenzo, que vous a-t-il dit exactement ?

Il nous a fait savoir que la question des armes et des équipements militaires était en train d’être résolue. Qu’il y a eu des commandes d’armes et que lorsque ce sera livré, chaque unité de la police, de la gendarmerie ou de l’armée aura une dotation conséquente. Il a ajouté qu’il y a une urgence au regard du contexte sécuritaire et qu’il ne fallait pas s’assoir, croiser les doigts et attendre le matériel. C’est cela, la bonne communication en période de guerre ou de crise. Nos chefs de guerre doivent savoir tenir un langage franc envers les hommes qui sont au front. Si vous dites aux hommes la réalité, ils sauront la conduite à tenir pour contrer l’ennemi. Il est bon de tenir un langage franc comme l’a fait le Président Traoré lorsqu’il est venu nous voir. Cela nous a beaucoup réconforté.

Quand la ville a été libérée, d’autres autorités dont le gouverneur de la région, sont également venus nous voir. Ces représentants de l’Etat nous ont félicités. Ils ont aussi invité les structures de l’administration à revenir s’installer à Solenzo car la situation est devenue favorable.

Quelles sont les structures de l’administration qui ont effectivement repris service ?

Le gouvernorat fonctionne à nouveau. L’hôpital est rouvert. Les agents de santé sont également là. Les enseignants se battent dans les écoles et lycées pour rattraper les programmes. Ils ont plus de 800 élèves à encadrer. Ces derniers sont également motivés pour rattraper le retard. Les salles de classes sont pleines, souvent débordées mais le défi, c’est de réussir l’année scolaire et maintenir le cap malgré les difficultés. En plus de cela, les éléments du commissariat sont là. Mais ils n’ont pas de local pour le moment. Il est prévu que des ingénieurs réhabilitent les bâtiments afin qu’ils puissent travailler. En attendant, les policiers assurent le service avec les moyens de bord. A Kouka, les policiers qui y étaient sont revenus. Et ils contribuent, de façon stratégique, à la lutte contre le terrorisme.

Le bâtiment de l’hôpital devrait également être réhabilité. Quand le président est venu, il est allé constater cela. Et a promis que des dispositions seraient prises pour la réhabilitation. Les terroristes lorsqu’ils se pavanaient toujours dans la ville, ont emporté les ambulances. Mais le Président a rassuré également qu’à ce niveau, des dispositions seraient prises pour équiper l’hôpital.

Qu’avez-vous d’autre, du fond du cœur, envie de dire pour terminer cet entretien ?

Quand vous voyez les populations qui se débrouillent pour ramasser leurs bagages et quitter les villages, quand vous croisez leur regard, vous êtes désarmés. Quand nous rentrions à Sanaba, j’ai versé des larmes. Je ne suis pas le seul homme de tenue à verser des larmes ce jour-là. Quand vous quittez Solenzo et que vous allez de Koundoungou en allant vers Bobo ou Dédougou, vous verrez que c’est un autre monde. Je pense que si le chef de l’Etat a la volonté de travailler à la libération du pays, nous devons nous focaliser sur cela. Et après, on verra comment résoudre nos guéguerres. Si le feu n’est pas éteint chez nos voisins, soyons sûr que ça atteindra tôt ou tard les villes.

Je plaide aussi pour que les autorités améliorent davantage les conditions de travail des FDS pour leur permettre d’être plus efficaces sur le terrain. Je souhaite que les primes des éléments sur le terrain soient revues à la hausse. Quand vous êtes au front, vous êtes soucieux que votre famille soit dans de bonnes conditions. Il faut aussi encourager davantage les soldats, ne serait-ce qu’à titre symbolique. Par exemple, si vous vous êtes déployés et que vous avez réussi à libérer une ville, il serrait bon que vous soyez décoré dès votre retour. Et adjoindre à cela, des lettres de félicitation que vous pourrez présenter un jour à vos enfants. Cela nous rendra davantage fier d’être Burkinabè et d’avoir été utile à notre patrie. Dans cette lancée, il serait bon d’encourager les autorités qui sont restées dans les localités à risque, au nom de l’intérêt supérieur de l’Etat, au risque de perdre la vie. Des infirmiers, malgré les menaces, sont restés à Solenzo jusqu’à la libération de la ville. Les prêtres et les chefs de terre également. Pourquoi ne pas les décorer pour assistance aux populations en période de guerre ? Le Chef de l’Etat devrait y penser.

Je crois également que l’Etat gagnerait à former les activistes. Ils donnent certaines alertes qui s’avèrent exactes. Pourquoi ne pas exploiter positivement ces personnes au lieu de les vilipender ? Si on les formait comme les journalistes qui savent comment filtrer, traiter l’information, ça nous aurait évité certaines dérives. Quand, par exemple, un activiste affirme que lors d’un contrôle, un élément des FDS a été enlevé d’un car de transport, cela peut avoir des conséquences graves. Peut-être que les terroristes ne savaient pas qu’il s’agissait d’un élément des FDS. Peut-être que ce dernier aurait pu être libéré par la suite, mais parce que les terroristes savent désormais qu’il s’agit d’un élément des FDS, il va subir un traitement qui peut même entrainer sa mort. Je pense aussi qu’il ne faut pas diaboliser les journalistes. Comme je vous l’ai dit, nous avons besoin de la participation de tous pour libérer ce pays. Je ne pense pas que les journalistes diffusent toutes les informations qu’ils reçoivent. Certaines informations, au regard de leur sensibilité pour la sécurité nationale, peuvent être reversées aux services chargées de traiter et d’anticiper les actes terroristes. Si un journaliste a pu vous fournir des informations qui ont par exemple permis de déjouer une attaque terroriste, il faut trouver les mécanismes appropriés pour l’encourager, de sorte à ce que les autres journalistes qui traitent des questions sensibles fassent comme lui.

Il faut aussi que les autorités soient au contact des éléments qui reviennent du front. Elles doivent chercher à savoir les difficultés qu’ils ont rencontrées et comment faire pour être plus efficaces à l’avenir. Mais bien souvent, on se contente de relayer les équipes alors qu’il faut faire un point sans complaisance de la situation, corriger les failles et relancer plus efficacement la bataille. Mais on constate que le chef de l’Etat effectue plus de tournées sur le terrain que la hiérarchie des différents corps. Certains chefs militaires, de la gendarmerie ou de la police se contentent de comptes-rendus sommaires et des photos d’attaques qu’ils reçoivent sur leur téléphone. Ça aurait été encourageant de voir le Directeur général de la police ou le Chef d’Etat-Major de la gendarmerie par exemple, se déporter sur le terrain, rencontrer les éléments, les écouter, prendre en compte leurs préoccupations afin de les résoudre et les encourager à continuer dans la lutte. Cela aurait galvanisé les éléments à atteindre de meilleurs résultats.

Propos recueillis par Hervé D’AFRICK

NDLR : Pour des raisons de sécurité, nous avons décidé de ne pas mentionner l’identité de l’interviewé


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