C’était une mission à hauts risques. Mais ils
ont réussi à hisser le drapeau du Burkina au cœur de la ville de Solenzo,
occupée depuis 2022, par des terroristes. L’équipe, composée de policiers, de
gendarmes et de militaires, a aussi mené des offensives dans les localités
voisines contre des nids de terroristes. Et elle a pu, là aussi, les débusquer
et saisir d’importantes quantités d’armes, de motos et de médicaments. Le chef
de l’Etat, le Capitaine Ibrahim Traoré, est allé les voir spécialement, fin
décembre 2022, pour les féliciter. Et requinquer leur moral pour la suite du
combat. L’opération a été parsemée d’obstacles. Avant même d’arriver à Solenzo,
les éléments de la police ont été la cible d’une embuscade. « L’un de leurs
véhicules a sauté sur une mine. Mais les policiers se sont vite
réorganisés. Ils ont même capturé l’un des
chefs terroristes. Les gendarmes et les policiers ont aussi été confrontés à de
gros obstacles », confie un acteur clé de cette opération, kalachnikov en
bandoulière. Dans cette interview, il déballe les grandes lignes de cette
offensive.
Comment vous êtes-vous senti après avoir
débarrassé la ville de Solenzo de cette horde de terroristes ?
Nous étions
animés d’un sentiment de joie et de fierté ! Le sentiment d’avoir accompli
une mission à hauts risques, d’avoir été utiles à notre pays. Nous sommes
convaincus qu’il est bien possible de broyer l’ennemi et de restaurer
l’intégrité territoriale. Avant notre arrivée à Solenzo, la situation
sécuritaire dans la zone était extrêmement préoccupante. Les terroristes
avaient le contrôle de toutes la zone et ils commettaient des exactions sur les
populations civiles. Ils s’en prenaient également aux positions des Forces de
défense et de sécurité. Provoquant ainsi de nombreux morts et d’importants
dégâts matériels. Il fallait impérativement mettre fin à ce désordre, anéantir
les forces du mal et redonner aux populations de cette zone, le droit de vivre
et de vaquer paisiblement à leurs occupations. Nous avions à cœur de débarrasser Solenzo et
ses environs des forces du mal, de hisser le drapeau national au cœur de la
ville. Et c’est ce que nous avons fait !
De façon concrète, comment avez-vous mené
l’offensive ?
Elle a été
menée par une mission conjointe. Trois corps des Forces de défense et de
sécurité ont été déployés : une équipe de la gendarmerie, une de l’Armée et une
autre de la police nationale, le Groupement des unités mobiles d’intervention
(GUMI), créée en 2022 pour la lutte contre le terrorisme. Les éléments de la
police ont quitté Ouagadougou, début décembre, pour se rendre d’abord à
Dédougou. C’est dans cette ville, au
sein du camp militaire, que les zones d’intervention des différentes équipes
ont été répartis. Il était manifestement difficile de mener directement une
offensive contre les groupes armés présents à Solenzo. Il fallait d’abord
neutraliser les terroristes installés dans certaines zones avant d’arriver à
Solenzo. L’équipe de la police nationale, le GUMI, s’est ainsi occupée de
Ouarkoye. Les équipes de l’Armée et de la Gendarmerie nationale, qui étaient
déjà en alerte, sont parties de Bobo. Neutralisant sur leur passage, les
terroristes présents dans les localités de Bondokuy, Kouka, Dena, des villages proches
de Solenzo. Cette première étape de la mission a duré à peu près deux semaines.
Nous l’avons menée avec succès. Les terroristes qui s’étaient installés dans ces
zones ont été neutralisés.
Il fallait
maintenant passer à l’étape 2 : la grande offensive pour rentrer à
Solenzo. La ville était devenue un nid de terroristes. Ils se pavanaient à
Solenzo et dans les localités environnantes. Les éléments de la police
nationale se sont d’abord déployés à quelques encablures de la ville, en
passant par l’axe Dédougou-Sanaba. Les éléments de l’Armée et de la gendarmerie,
eux, étaient déjà positionnés près de Solenzo. Ils sont arrivés dans la zone
avant les éléments du GUMI. Ces derniers, bien que déterminés, étaient
confrontés à des difficultés majeures. Lorsque nous avons fait le point sur le
terrain, il est ressorti qu’ils ne disposaient pas de moyens adéquats pour
cette mission. Bien avant de quitter Ouagadougou, le problème avait été posé.
Mais la hiérarchie leur avait dit de se mettre en route et que cela serait
réglé le plus tôt possible. Il fallait absolument être dans les délais fixés
pour la libération de la ville. Or, la voie Sanaba-Solenzo était minée. La zone
était également infestée par des terroristes. Le Directeur général de la police
nationale, le ministre de la Sécurité et le Premier ministre ont rassurés les
éléments qu’une fois à Solenzo, ils auraient tout le matériel dont ils ont
besoin. En clair, ils leur ont dit d’utiliser les moyens de bord en attendant
que le problème soit résolu. Et que si en cours de route, ils ont des soucis,
l’aviation viendrait les appuyer. Le Directeur régional de la police nationale,
basé à Dédougou, les a également rencontrés pour les réconforter. Il leur a dit
que depuis mars 2019, l’armée n’avait plus emprunté la voie Sanaba-Solenzo.
Mais qu’il avait confiance en eux et qu’il savait qu’ils pouvaient relever le
défi. Dans tous les cas, tout comme l’armée et la gendarmerie, les éléments de
la police nationale étaient pleinement engagés pour la mission. Et comme ces trois
corps devaient mener l’opération, ils étaient davantage motivés. Ils ont ainsi
pris la route le 14 décembre. Lorsqu’ils ont dépassé
Sanaba, ils ont été confrontés à un premier obstacle. L’un des véhicules a
sauté sur une mine. Une embuscade tendue contre l’équipe. Mais les éléments se
sont très vite réorganisés et ont neutralisé les terroristes qui ont tendu
cette embuscade. Ils ont même capturé celui qui tenait la télécommande qui a servi
à déclencher la mine. Malheureusement, trois blessés ont été enregistrés
côté policiers. Un hélicoptère est venu, comme promis. Les blessés ont ainsi été
évacués et pris en charge. Mais jusqu’à présent, deux d’entre eux doivent subir
une intervention chirurgicale. Des débris d’explosifs sont restés dans leurs
corps. Il faut les extraire et procéder à des soins appropriés. Mais selon les
services de santé, ils ne sont plus en danger de mort.
Que s’est-il passé en suite ?
Cet incident,
loin de nous décourager, a plutôt galvanisés les éléments de la police, de la
gendarmerie et de l’Armée. Certes, les difficultés n’ont pas manqué. Mais nous
étions convaincus que nous pouvions relever les défis. En réalité, les
terroristes ne sont pas invincibles. Nous sommes donc restés focus sur l’objet
de la mission : libérer Solenzo et sécuriser les espaces reconquis. Il
fallait donc exterminer ces hordes de mécréants qui circulent en haillons.
Certains d’entre nous étaient à leur première mission d’envergure. Mais nos groupes,
il y avait des éléments très expérimentés. Les éléments du GUMI ont ainsi
balayé les terroristes de la localité de Sanaba jusqu’à Solenzo-ville. L’armée
et la gendarmerie ont également nettoyé la vaste zone qui va de Bobo à Solenzo.
Quand nous étions en train de rentrer à Solenzo, la population est sortie pour
nous acclamer. Ça fait vraiment chaud au cœur de savoir que nous avons été
utiles pour cette population, pour notre pays. Je me souviens des propos d’un résident
qui nous a dit : « Pour tout ce que vous avez fait pour la ville de
Solenzo, on ne saurait suffisamment vous remercier. Les primes ne peuvent pas
compenser convenablement vos efforts. Mais chaque enfant que vous verrez ici,
qui sourit et vous salue, est le symbole d’une bénédiction infinie à votre
égard ».
Les terroristes sont-ils revenus à la
charge comme ils le font souvent ?
Certes, nous
avons libéré Solenzo ville, mais le travail n’était pas pour autant terminé. Il
fallait débarrasser les villages environnants des nids de terroristes. Notamment
les villages de Bayé, Ban, Daboura, Kiè et autres. Mais avant de lancer cette
nouvelle offensive, il fallait sécuriser l’acquis. Il ne suffit pas en effet de
rentrer dans une ville. Il faut se rassurer que dans les alentours, il n’y a
pas de bases, ni de nids de terroristes. Il fallait faire ce travail de fond
avant de se focaliser sur les villages voisins. Lorsque nous avons entrepris ce
travail de nettoyage, nous avons été informés que des terroristes étaient
toujours à Sanaba. Une équipe s’est déporté sur les lieux. Mais à son arrivée,
ils étaient déjà partis après avoir fait d’énormes dégâts. Ils ont abattu
plusieurs habitants et brûlé des boutiques. Les éléments ont campé à Sanaba
pendant cinq jours, se disant qu’ils allaient revenir. Ils avaient même miné la
mairie de Sanaba et le commissariat où il n’y avait plus de policiers. L’équipe
les a attendus en vain. Elle a ensuite reçu instruction de retourner à Solenzo
et de continuer la mission. Elle voulait que des éléments reste sur place mais la
hiérarchie a estimé que ce n’était pas
nécessaire. Car la population avait déjà quitté Sanaba. Il fallait aller à
Solenzo afin de se réarticuler, libérer complètement la ville, avoir une base
fixe là-bas et permettre, ensuite, à la population de Sanaba de revenir dans sa
localité. Ainsi, de Solenzo, nous nous sommes déployés dans les villages voisins.
Nous avons effectué cette mission avec succès : l’équipe de la police a
passé, par exemple, plusieurs nuits à Kiè, Bayé, etc. Celles de l’armée et de
la gendarmerie se sont déployées à Bonkuy, Kouka Bena et d’autres localités
proches de Solenzo. Nous avons détruit des bases de terroristes et empêché des
enlèvements d’habitants de la zone par des terroristes. Entre-temps, les
terroristes ont exercé une grosse pression sur les populations de ces villages.
Se disant probablement que c’est la population qui informait les FDS. Ils leur
ont donc intimé l’ordre de quitter certains villages. Nous avons empêché cela. Aujourd’hui,
il n’y a presque plus de terroristes à Solenzo ou ses environs. Nous les avons
neutralisés. Quelques-uns se sont dispersés. Et à ce sujet, je me rappelle
d’une histoire vécue par le GUMI : un jour, les éléments ont abattu un
chef terroriste dans la zone. Ils ont constaté qu’il était bien mort. Ils ont alors récupéré l’un de leur «talko»
(talkie-walkie, NDLR). Cela leur a permis d’écouter les conversations des
terroristes. L’un d’eux a dit : «Est-ce que tu sais que … est
mort ? Je le confirme, il a été abattu ». Et son interlocuteur de
répondre en exprimant toute sa désolation, sa tristesse face à cette
nouvelle. La suite de la conversation a permis de savoir que dans le milieu des
terroristes, on le prenait pour quelqu’un de «wacké», quelqu’un qu’on ne
pouvait pas du tout atteindre. Mais il a été abattu. Cela signifie que les
terroristes ne sont pas invincibles, contrairement à ce que tentent de faire
croire certaines personnes sur les réseaux sociaux. Certes, lorsque nous
détruisons les bases terroristes, certains arrivent à fuir. On ne pourra pas
tous les tuer. Il y aura toujours des fuyards qu’on ne pourra pas appréhender.
En réalité, ces derniers sont carrément déboussolés. Les bases détruites ne
peuvent plus être reconstituées. Si certains terroristes délogés de leurs bases
avaient la possibilité de parler, ils diraient sans doute qu’ils ont hâte de
déposer les armes. Ils ne savent plus quoi faire de leurs armes. Depuis que
nous avons détruit les bases de terroristes à Solenzo et dans les villages voisins,
aucune de ces bases n'a pu se reconstituer. Les fuyards ne se hasardent plus à
venir vers nous. Mais souvent, sur les réseaux sociaux, certaines informations
inexactes sont véhiculées, tendant à faire croire que les terroristes sont
revenus en masse dans la zone de Solenzo. Cela est complètement inexact.
Justement, sur les réseaux sociaux, certaines
informations tendaient à dire que les éléments de de la police déployés à
Solenzo n’avaient pas reçus leurs primes d’opérations. Qu’en est-il ?
Effectivement,
un activiste a fait une publication évoquant des problèmes de primes. Des
informations qui ressortent de la mission conjointe, il s’avère que cette
information n’est pas exacte. En réalité, l’une des équipes était en fin de
mission et devait être relayée par d’autres éléments. Or, pour envoyer les
frais de missions à Solenzo, c’est protocolaire. Il faut organiser une autre
mission, une escorte, qui partirait de Ouagadougou. Et comme ces éléments
pratiquement en fin de mission, ils ont estimé qu’il était plus judicieux
d’arriver à Ouagadougou, d’émarger et percevoir leur dû. Et c’est ce qui s’est
passé. J’ai eu confirmation qu’ils ont tous été payés. Il n’y a eu aucun
problème concernant les frais de mission. A l’arrivée de l’équipe à Ouagadougou,
le ministre de la Sécurité les a rencontrés et les a même félicités pour le
travail abattu. Il faut que dans cette lutte contre le terrorisme, chacun puisse
jouer convenablement sa partition. Que vous soyez journaliste, activiste ou
autres, vous devez apporter votre contribution, de façon saine, pour libérer
notre pays de l’hydre terroriste. Il ne faut pas que les efforts que nous
faisons sur le terrain soient vains ou fragilisés par certaines publications
d’activistes. Il faut une dynamique commune, de sorte à décourager ceux qui
viendraient à vouloir s’enrôler comme terroristes. Et que ces derniers sachent
que s’ils s’engagent dans cette voie, ils seront neutralisés. Il ne faut pas
donner l’impression aux terroristes qu’ils sont en train de gagner du terrain.
Car, en réalité, ils sont en déroute, même s’il y a toujours des poches de
résistances dans plusieurs localités.
Il nous revient que de Solenzo, l’une des
équipes de la police, appelée, semble-t-il, « Equipe Sorcière », a mené une action redoutable
dans la localité de Sanakouy. Comment s’est passé cette offensive ?
A Solenzo, on
nous a effectivement signalé la présence d’une base terroriste dans la localité
de Sanakouy. Une équipe a décidé de s’y rendre. Au niveau des éléments de la
police, l’équipe a été scindée. L’une d’elles a effectivement été surnommée «
Equipe sorcière ». Mais la hiérarchie, chargée de conduire la reprise de
Solenzo, avait estimé qu’ils n’étaient pas en nombre suffisant pour mener cette
opération. Et qu’en plus, ils ne disposaient pas de suffisamment d’informations
et que, de ce fait, ils risquaient de se faire prendre par l’ennemi. Mais ils
tenaient vraiment à neutraliser cette base. En venant à Solenzo, nous avions
tous la pleine conscience que nous pourrions mourir et que si cela arrivait,
nous l’aurions fait pour la patrie. Les éléments en question ont donc mesuré
l’ampleur de la mission. Ainsi, ils ont
décidé de s’organiser et de passer à l’offensive. Ils ont même signalé à la
hiérarchie que s’il leur arrivait quelque chose, ils étaient prêts à assumer
l’entière responsabilité. Et c’est là qu’ils ont contacté le Capitaine présent
dans la zone pour l’en informer. Ce dernier leur a dit que pour une mission de
ce type, il fallait l’avis de la haute hiérarchie. Cela pour qu’en cas de
difficultés, un hélico vienne leur apporter un appui ou récupérer,
éventuellement, les blessés pour des soins. Après analyse, ils se sont rendu
compte que s’ils ne prenaient pas les devants en créant un effet de surprise,
et que les terroristes venaient vers nous, ce serait compliqué à gérer. Le
bilan de notre côté pourrait être lourd. Les éléments se sont donc attrapés les
mains et ont dit « Un pour tous, tous pour un ». Ils ont ainsi décidé de
passer à l’assaut. Et ils ont détruit la base terroriste. Ils ont également pu
récupérer une importante quantité de médicaments abandonnée par les terroristes.
Si on fait une évaluation, c’est à peu près l’équivalent des médicaments de
trois pharmacies tel qu’on le voit en ville. Ils ont aussi saisi des armes et
des motos. Ensuite, ils ont replié dans un village voisin. Le lendemain, l’équipe
a appelé les éléments qui sont restés à la base. Ces derniers venus récupérer
le matériel saisi avec des pickups.
Comment analysez-vous la gestion de la crise
sécuritaire par le Capitaine Ibrahim Traoré, vous qui êtes en première ligne
dans cette guerre ?
Depuis son arrivée,
la situation évolue positivement sur le terrain. Certes, il y a des
insuffisances et il est tout à fait normal d’apporter des critiques, mais aussi
des propositions pour que la situation change positivement pour le bien de
tous. Nous avons par exemple déploré, au début, le fait que la police, la gendarmerie
et l’armée, tous des frères d’armes, aillent à la même mission et que nous
n’ayons pas tous les mêmes primes. Certains touchaient plus que d’autres. Mais
quand le chef de l’Etat est venu sur le théâtre des opérations, il a tenu
compte des observations et il a rétabli les éléments de la police qui ne
percevait pas les mêmes primes, dans leurs droits. Il a dit de mettre tous les
éléments sur un pied d’égalité et c’est ce qui a été fait. Cela a davantage
galvanisé les éléments sur le terrain et créé une cohésion de groupe. L’armée
et la gendarmerie ne pouvaient que s’en réjouir. Nous avions en effet besoin
d’être soudés pour remporter les combats futurs. Et il était bon que nous
bénéficiions des mêmes primes. C’est pour vous dire que les critiques peuvent
permettre de faire avancer les choses. Mais il faut le faire de façon saine. Il
faut surtout éviter de propager des informations infondées, surtout sur les
réseaux sociaux, en prétendant ainsi critiquer. Lorsque la critique repose sur
des faits réels et fondés, l’autorité a tendance à prêter une oreille
attentive.
Nous souhaitons
cependant que le président résolve véritablement la question des équipements
des forces combattantes. La gendarmerie et la police par exemple devraient être
équipés de la même manière que les militaires. Un poste de gendarmerie ou un commissariat
à Sanaba ou ailleurs, devrait disposer de moyens adéquats pour faire face aux terroristes.
Cela permettra aussi de « consolider » les zones reprises par les Forces de
défense et de sécurité. Si les commissariats et les postes de gendarmerie ont
des équipements adéquats, ils peuvent résister en cas d’attaque jusqu’à ce
qu’ils obtiennent un appui terrestre ou aérien. Ils pourront aussi prendre des
initiatives pour neutraliser l’ennemi. Dans le cas contraire, ils seront
souvent obligés de quitter leurs zones face à la puissance de feu des
terroristes. Dans le cas de la police par exemple, nous avons déploré le fait
qu’ils aient reçu certains matériels seulement lorsqu’ils sont arrivés à
Solenzo.
Quand le chef de l’Etat est allé à Solenzo,
que vous a-t-il dit exactement ?
Il nous a
fait savoir que la question des armes et des équipements militaires était en
train d’être résolue. Qu’il y a eu des commandes d’armes et que lorsque ce sera
livré, chaque unité de la police, de la gendarmerie ou de l’armée aura une
dotation conséquente. Il a ajouté qu’il y a une urgence au regard du contexte
sécuritaire et qu’il ne fallait pas s’assoir, croiser les doigts et attendre le
matériel. C’est cela, la bonne communication en période de guerre ou de crise.
Nos chefs de guerre doivent savoir tenir un langage franc envers les hommes qui
sont au front. Si vous dites aux hommes la réalité, ils sauront la conduite à
tenir pour contrer l’ennemi. Il est bon de tenir un langage franc comme l’a
fait le Président Traoré lorsqu’il est venu nous voir. Cela nous a beaucoup
réconforté.
Quand la
ville a été libérée, d’autres autorités dont le gouverneur de la région, sont également
venus nous voir. Ces représentants de l’Etat nous ont félicités. Ils ont aussi invité
les structures de l’administration à revenir s’installer à Solenzo car la
situation est devenue favorable.
Quelles sont les structures de
l’administration qui ont effectivement repris service ?
Le
gouvernorat fonctionne à nouveau. L’hôpital est rouvert. Les agents de santé
sont également là. Les enseignants se battent dans les écoles et lycées pour
rattraper les programmes. Ils ont plus de 800 élèves à encadrer. Ces derniers
sont également motivés pour rattraper le retard. Les salles de classes sont
pleines, souvent débordées mais le défi, c’est de réussir l’année scolaire et
maintenir le cap malgré les difficultés. En plus de cela, les éléments du
commissariat sont là. Mais ils n’ont pas de local pour le moment. Il est prévu
que des ingénieurs réhabilitent les bâtiments afin qu’ils puissent travailler.
En attendant, les policiers assurent le service avec les moyens de bord. A Kouka,
les policiers qui y étaient sont revenus. Et ils contribuent, de façon
stratégique, à la lutte contre le terrorisme.
Le bâtiment
de l’hôpital devrait également être réhabilité. Quand le président est venu, il
est allé constater cela. Et a promis que des dispositions seraient prises pour
la réhabilitation. Les terroristes lorsqu’ils se pavanaient toujours dans la
ville, ont emporté les ambulances. Mais le Président a rassuré également qu’à
ce niveau, des dispositions seraient prises pour équiper l’hôpital.
Qu’avez-vous d’autre, du fond du cœur, envie
de dire pour terminer cet entretien ?
Quand vous
voyez les populations qui se débrouillent pour ramasser leurs bagages et
quitter les villages, quand vous croisez leur regard, vous êtes désarmés. Quand
nous rentrions à Sanaba, j’ai versé des larmes. Je ne suis pas le seul homme de
tenue à verser des larmes ce jour-là. Quand vous quittez Solenzo et que vous
allez de Koundoungou en allant vers Bobo ou Dédougou, vous verrez que c’est un
autre monde. Je pense que si le chef de l’Etat a la volonté de travailler à la
libération du pays, nous devons nous focaliser sur cela. Et après, on verra
comment résoudre nos guéguerres. Si le feu n’est pas éteint chez nos voisins,
soyons sûr que ça atteindra tôt ou tard les villes.
Je plaide
aussi pour que les autorités améliorent davantage les conditions de travail des
FDS pour leur permettre d’être plus efficaces sur le terrain. Je souhaite que
les primes des éléments sur le terrain soient revues à la hausse. Quand vous
êtes au front, vous êtes soucieux que votre famille soit dans de bonnes
conditions. Il faut aussi encourager davantage les soldats, ne serait-ce qu’à
titre symbolique. Par exemple, si vous vous êtes déployés et que vous avez
réussi à libérer une ville, il serrait bon que vous soyez décoré dès votre
retour. Et adjoindre à cela, des lettres de félicitation que vous pourrez
présenter un jour à vos enfants. Cela nous rendra davantage fier d’être
Burkinabè et d’avoir été utile à notre patrie. Dans cette lancée, il serait bon
d’encourager les autorités qui sont restées dans les localités à risque, au nom
de l’intérêt supérieur de l’Etat, au risque de perdre la vie. Des infirmiers,
malgré les menaces, sont restés à Solenzo jusqu’à la libération de la ville.
Les prêtres et les chefs de terre également. Pourquoi ne pas les décorer pour
assistance aux populations en période de guerre ? Le Chef de l’Etat
devrait y penser.
Je crois
également que l’Etat gagnerait à former les activistes. Ils donnent certaines
alertes qui s’avèrent exactes. Pourquoi ne pas exploiter positivement ces
personnes au lieu de les vilipender ? Si on les formait comme les
journalistes qui savent comment filtrer, traiter l’information, ça nous aurait
évité certaines dérives. Quand, par exemple, un activiste affirme que lors d’un
contrôle, un élément des FDS a été enlevé d’un car de transport, cela peut
avoir des conséquences graves. Peut-être que les terroristes ne savaient pas
qu’il s’agissait d’un élément des FDS. Peut-être que ce dernier aurait pu être
libéré par la suite, mais parce que les terroristes savent désormais qu’il
s’agit d’un élément des FDS, il va subir un traitement qui peut même entrainer
sa mort. Je pense aussi qu’il ne faut pas diaboliser les journalistes. Comme je
vous l’ai dit, nous avons besoin de la participation de tous pour libérer ce
pays. Je ne pense pas que les journalistes diffusent toutes les informations
qu’ils reçoivent. Certaines informations, au regard de leur sensibilité pour la
sécurité nationale, peuvent être reversées aux services chargées de traiter et
d’anticiper les actes terroristes. Si un journaliste a pu vous fournir des
informations qui ont par exemple permis de déjouer une attaque terroriste, il
faut trouver les mécanismes appropriés pour l’encourager, de sorte à ce que les
autres journalistes qui traitent des questions sensibles fassent comme lui.
Il faut aussi
que les autorités soient au contact des éléments qui reviennent du front. Elles
doivent chercher à savoir les difficultés qu’ils ont rencontrées et comment
faire pour être plus efficaces à l’avenir. Mais bien souvent, on se contente de
relayer les équipes alors qu’il faut faire un point sans complaisance de la
situation, corriger les failles et relancer plus efficacement la bataille. Mais
on constate que le chef de l’Etat effectue plus de tournées sur le terrain que
la hiérarchie des différents corps. Certains chefs militaires, de la
gendarmerie ou de la police se contentent de comptes-rendus sommaires et des
photos d’attaques qu’ils reçoivent sur leur téléphone. Ça aurait été
encourageant de voir le Directeur général de la police ou le Chef d’Etat-Major
de la gendarmerie par exemple, se déporter sur le terrain, rencontrer les
éléments, les écouter, prendre en compte leurs préoccupations afin de les
résoudre et les encourager à continuer dans la lutte. Cela aurait galvanisé les
éléments à atteindre de meilleurs résultats.
Propos recueillis par Hervé D’AFRICK