L’aéronef immatriculé GLF4, en provenance du Niger, a encore survolé, mi-avril, le territoire burkinabè… sans autorisation. Qui pilote cet aéronef ? Que fait-il exactement sur le territoire burkinabè ? Des sources militaires de haut rang, contactés...
Une école qui
s’effondre à Dandé sur des élèves, une dalle qui s’écroule à l’université
Norbert Zongo de Koudougou, une salle de conférences de l’aéroport de Donsin
qui tombe… La liste est longue. Entrainant des morts et des blessés.
D’importants dégâts matériels et une perte de ressources financières également
pour le Trésor public. Il y a visiblement de gros problèmes dans la chaine de
la commande publique, de l’attribution des marchés à l’exécution des travaux.
Que se passe-t-il au juste ? Le Secrétaire permanent de l’Autorité de régulation
de la commande publique (ARCOP), Modeste Yaméogo, analyse la situation. Et
lance un appel : « Nous devons apporter notre
contribution, en tant qu’acteur de la commande publique, à la lutte contre le
terrorisme ».
Courrier
confidentiel :
Quels sont les dossiers les plus costauds que vous avez traités en termes de
gravité des faits ?
Modeste
Yaméogo : Nous ne parlons pas de dossiers
costauds à l’ARCOP, particulièrement devant l’organe de règlement des
différends. Un dossier est un dossier, quel que soit son montant, quelle que
soit la procédure. Les principes fondamentaux de la commande publique sont très
importants. Et c’est ce qui nous guide. Nous ne traitons pas les dossiers en
fonction de leur taille, ni de la procédure. Nous avons traité de nombreux
dossiers dans le domaine des travaux, des fournitures, des prestations
intellectuelles. Je ne saurais me focaliser sur un dossier.
Vous avez cependant par
moments, exclu des entreprises de la commande publique pour des faits
suffisamment graves : falsification de documents, faux chiffres
d’affaires, marchés similaires contrefaits, etc. Comment analysez-vous cela ?
Les
autorités contractantes rencontrent parfois, lors de l’examen des dossiers, des
incohérences dans les documents fournis par les soumissionnaires. Elles
procèdent à des vérifications qui aboutissent souvent au fait que ces documents
ne sont pas authentiques. Cette situation est beaucoup plus observée dans le
cadre des marchés relatifs aux travaux et dans les dossiers de prestations
intellectuelles. Ces pièces concernent généralement le chiffre d’affaires, les
références similaires, les CV des consultants, les diplômes, etc. En réalité, certains
soumissionnaires ne remplissent pas toutes les conditions édictées dans le
dossier d’appel d’offres, mais comme ils tiennent coûte que coûte à participer
aux marchés, ils vont fabriquer ces documents pour tenter de présenter la
meilleure offre. Lorsque les commissions chargées de l’analyse des dossiers
découvrent ces pièces, elles nous les communiquent. L’ARCOP organise une
session et auditionne les responsables de l’entreprise suspectée d’avoir commis
ces pratiques. S’il s’avère que ces documents ne sont pas authentiques, l’entreprise
en question est exclue de la commande publique. Nous transférons par la suite
le dossier au parquet pour un traitement judiciaire.
Parmi les entreprises
que vous avez exclues de la commande publique, quels sont les cas qui ont
particulièrement retenu votre attention ?
Nous ne
nous focalisons pas sur telle ou telle entreprise. A partir du moment où vous
ne jouez pas un jeu franc dans le circuit de la commande publique, vous êtes
traités de la même manière. Nous n’avons pas retenu de cas emblématique. Mais d’une
manière générale, ce que je retiens, ce sont les cas concernant les exclusions
de la commande publique de certaines entreprises qui ont manipulé des chiffres
d’affaires, fourni de fausses références de marchés similaires, produit de faux
CV, etc.
Quels sont les cas
les cas les plus graves auxquels vous avez été confrontés ?
Ce que je trouve grave surtout,
c’est la falsification des documents de l’administration publique. Par exemple,
falsifier un chiffre d’affaires, une attestation de situation fiscale ou une
référence similaire. Mais la manipulation des documents privés, comme des reçus
d’achat non authentiques, ne sont pas graves au même degré que la falsification
des documents de l’administration. Ce sont cependant des pratiques qu’ils faut
condamner.
Lorsque vous découvrez ces pratiques, que
faites-vous exactement ?
Lorsque l’autorité contractante
nous communique des cas, nous les traitons d’abord au niveau du Secrétariat
permanent avant de les transmettre à l’organe de règlement des différends. Nous
fournissons une grille de lecture avec toute la documentation nécessaire pour
permettre à l’organe de règlement des différends de se faire sa propre opinion
et de statuer. C’est un organe indépendant de l’ARCOP, composé d’acteurs de la
société civile, de l’administration publique et du secteur privé. Il va
examiner, en toute indépendance ces cas et tirer une éventuelle sanction. Nous
matérialisons cela à travers une décision que nous notifions aux parties.
En cas de sanctions, y a-t-il un suivi pour
éviter que l’entreprise fautive passe entre les mailles du filet ?
Nous avons un dispositif de suivi
au niveau de notre direction chargée de la législation. Mais en plus de cela, le
dispositif tel que conçu permet un suivi citoyen et même un suivi au niveau des
entreprises. En effet, lorsqu’une entreprise est exclue de la commande
publique, son nom est mentionné sur la liste des entreprises exclues,
disponible sur le site web de l’ARCOP. A partir de ce moment, même si une
autorité contractante outrepasse cette sanction pour octroyer un marché à
l’entreprise fautive, les autres entreprises vont dénoncer cela. J’ai
connaissance d’un seul cas où une autorité contractante a attribué un marché à
une entreprise suspendue.
De quelle entreprise s’agit-il ?
L’entreprise EGF. Et même là,
l’autorité contractante ne s’est pas vraiment rendu compte qu’il s’agissait
d’une entreprise suspendue de la commande publique. Plusieurs entreprises
portent en effet le nom EGF. Ainsi, dans le cadre d’un appel d’offres, il peut
arriver qu’une entreprise écrive sur son dossier, uniquement sa dénomination
sociale. Il est possible donc qu’on ne sache pas que c’est l’entreprise
sanctionnée. Mais dans le cas dont je parle, cette dissimulation a été
découverte. L’une des entreprises qui a participé au marché a contesté les
résultats. Il y a eu des vérifications et l’on a découvert qu’il s’agissait de
la même entreprise. Nous avons donc demandé à l’autorité contractante de revoir
et de corriger cette situation. Ce qui a été fait.
Il nous revient que les responsables de
certaines entreprises exclues de la commande publique créent de nouvelles
entreprises. Et ces dernières recommencent à participer aux marchés publics.
Avez-vous constaté ce genre de situation ?
Dans le principe, quand une
entreprise est exclue, son gérant est également exclu. Le même gérant ne devrait
donc pas pouvoir reconstituer une entreprise et revenir participer à la
commande publique. Certes, il est difficile de contrôler cela. Par exemple, si
vous suspendez une entreprise X dont le promoteur est « monsieur AB »,
il peut arriver que d’autres entreprises aient été créés par « monsieur AB ».
Il est souvent difficile de faire le lien. Mais quand on suspend une
entreprise, même si le promoteur, de par des artifices, réussit à créer une
autre entreprise, cette entreprise n’a plus les références et les chiffres
d’affaires antérieures. Ainsi, pour pouvoir soumissionner dans la commande
publique, elle est obligée de recommencer au niveau zéro. Alors que
l’entreprise avait peut-être atteint un niveau où c’était pratiquement
« la cour des grands ». Même si elle recommence, il sera très
difficile pour elle de revenir de sitôt dans le chemin de la commande publique.
A l’heure actuelle, quels sont les dossiers
les plus importants pour lesquels vous avez saisi la Justice ?
Il y a plusieurs dossiers, tous
importants. Certains ont émus l’opinion parce qu’il y a eu mort d’hommes lors
de l’exécution des marchés. C’est le cas par exemple du marché relatif à
l’école de Dandé qui s’est écroulée. Il y a également celui relatif à
l’effondrement d’une dalle à l’université Norbert Zongo de Koudougou. Je
pourrais aussi citer le dossier concernant l’effondrement d’une salle de
conférences à l’aéroport de Donsin.
A propos de Dandé, comment avez-vous
accueilli la nouvelle, en tant que structure de régulation de la commande
publique, lorsque l’école s’est écroulée sur les élèves, faisant un mort et 28
blessés ?
C’était la tristesse et la désolation !
Un enfant qui se lève le matin et va à l’école pour suivre les cours, chercher
le savoir, et on apprend qu’il a perdu la vie parce qu’une infrastructure, pour
laquelle l’Etat a investi des fonds et dont le marché a été attribué à une
entreprise, s’est écroulée, c’est vraiment triste. Une commission d’enquête a
été mise en place pour faire la lumière sur les circonstances de l’effondrement
de ce bâtiment afin que ce type de drame ne se reproduise pas.
Que révèle cette enquête ?
L’enquête révèle que l’entrepreneur avait mal édifié le bâtiment. Les poutres qui tenaient la toiture, par exemple, posaient véritablement problème. Les conclusions de l’enquête indiquent que le bureau de contrôle n’a pas correctement joué son rôle. L’entreprise chargée d’exécuter les travaux non plus. Ces deux structures, avec leurs gérants, ont été exclues de la commande publique pour une période de cinq ans.
Dans plusieurs cas de marchés publics mal
exécutés, les bureaux de contrôle sont pointés du doigt. Qui doit contrôler les
bureaux de contrôle ?
Je tiens à préciser qu’il existe
des bureaux de contrôle qui jouent parfaitement leur rôle. Mais il y a
évidemment aussi des brebis galeuses. On ne sait pas comment certains bureaux
de contrôle, souvent mal organisés, parviennent à obtenir ces marchés. Il est
parfois prévu un contrôle permanent des travaux mais le bureau de contrôle ne le
fera que deux ou trois fois. Cependant, si on fait le ratio bâtiments qui tiennent
et bâtiments qui s’écroulent, on peut dire qu’il existe des bureaux sérieux qui
jouent convenablement leur rôle.
Comment se manifeste la corruption dans le
processus de passation de la commande publique ?
Quand on analyse les plaintes, en
sériant celles fondées et celles non fondées, on a tendance à croire que la
corruption existe dans le domaine des marchés publics. Dans le domaine de l’automobile
par exemple, il arrive que l’ARCOP infirme les résultats publiés par les
autorités contractantes. Certains observateurs pensent qu’on infirme ces
résultats parce qu’il y a eu de la corruption. Ce n’est pas forcément le cas.
Souvent, l’autorité contractante se focalise sur un véhicule donné, pas parce
qu’elle espère recevoir de l’argent de l’un des soumissionnaires que cela favoriserait,
mais parce qu’elle veut une marque de véhicule précise. Elle décide donc de se
donner les moyens pour obtenir ce véhicule. Même si pour cela, elle va inclure
dans les spécifications techniques, des motifs farfelus qui peuvent aboutir à
l’infirmation de ces résultats afin que le marché soit attribué à un
fournisseur précis. Mais cela ne signifie pas que l’autorité contractante a
reçu de l’argent. Ce n’est pas une question de corruption. Cette pratique est
observée dans beaucoup de procédures. Par exemple, si une entreprise
attributaire d’un marché en 2022 ne parvient pas à l’exécuter et que la même
entreprise revient en 2023 pour postuler à un nouveau marché, l’autorité
contractante aura tendance à tout faire pour que cette entreprise n’obtienne
pas le marché au regard de son passif. Faut-il, dans ce cas, tirer la
conclusion que c’est de la corruption ? Souvent, ce n’est pas le cas.
Cependant, dans certains marchés,
on voit des choses fragrantes. Lorsque vous êtes à la réception d’un bâtiment
par exemple, vous vous demandez pourquoi on accepte de le réceptionner
tellement les signes d’un marché mal exécuté sont visibles. C’est la même chose
dans le cas des fournitures. Elles ne respectent pas parfois les spécifications
techniques que l’autorité elle-même a édictées. Mais on reçoit ces fournitures.
Dans ce genre de situation, le citoyen est en droit de penser qu’il y a de la
corruption. Mais il faut éviter de généraliser.
Dans certains cas, il existe dans le dossier
d’appel d’offres, des spécifications techniques, inclues à dessein, en vue
d’éliminer certains candidats au profit d’un soumissionnaire donné…
Si ce type de cas se présente, le
soumissionnaire qui se sent lésé va contester les résultats et exposer ses
arguments. Sur la base de sa plainte, l’ARCOP tranchera. Mais il est difficile
souvent de dire que ce genre de situation a été fait à dessein. Je n’ai pas de
cas spécifique en la matière.
Il nous revient que souvent, l’autorité
contractante exige « 10% du montant du marché » à l’entreprise
attributaire. Avez-vous constaté de telles situations dans les recours déposés
à l’ARCOP ?
Jusqu’à présent, nous n’avons pas
reçu de recours dans lequel on nous a démontré clairement que telle ou telle
autorité a pris 10% du montant du marché.
Le dossier concernant les « Engagements
nationaux » a pourtant fait grand bruit. Et il est clairement ressorti que le
premier responsable des Engagements nationaux, au moment des faits, avait exigé
de l’argent à l’entrepreneur…
Il n’est pas normal qu’il demande
à l’entrepreneur de l’argent. Je ne sais pas si c’est l’équivalent de 10% mais
ce cas a effectivement été traité par les juridictions. Je n’ai pas cependant suivi
le dénouement de l’affaire.
A l’université de Koudougou, une dalle s’est
effondrée en 2022, provoquant des morts. Quand vous avez analysé le dossier,
quel était le problème de fond ?
L’enquête a révélé que
l’entreprise qui a réalisé les travaux et celle qui a assuré le suivi-contrôle
ont toutes failli. L’organe de règlement des différends a sanctionné les
intervenants en question. Ce dossier a fait l’objet d’un recours devant les
juridictions. Ce recours est d’ailleurs toujours pendant. Mais à l’ARCOP, nous
avons suspendu l’entreprise chargée de la construction et celle chargée du
suivi-contrôle. A ce jour, la décision concernant l’entreprise chargée de la
construction a été levée par le juge dans sa partie référée. Dans le fonds
cependant, aucune décision n’a été rendue pour le moment. Ce dossier suit son
cours également au niveau du Tribunal de grande instance de Koudougou. Nous
faisons confiance en la justice et nous espérons avoir une décision dans les
jours ou semaines à venir.
Souvent, certains partenaires du Burkina, qui
financent des projets de réalisation d’infrastructures, modèlent les conditions
de participation de sorte à ce qu’il y ait obligatoirement une entreprise de
leur pays dans l’exécution du marché. Mais finalement, cette entreprise
extérieure, bien qu’ayant obtenu le marché dans le cadre du groupement avec une
entreprise burkinabè, n’est pas présente au moment de l’exécution des travaux.
Que fait l’ARCOP lorsque de telles situations se produisent ?
La participation des entreprises étrangères
est généralement ficelée depuis l’accord de financement. Au moment de la
signature de l’accord, celui qui vous octroie les fonds peut fixer ses
conditions. Il peut dire par exemple que pour utiliser ses ressources dans le
cadre de ce financement, vous devrez faire un groupement avec une entreprise de
son pays. Lorsque vous acceptez, vous ne pouvez pas remettre cela en cause au
moment de la mise en œuvre du projet. Mais il ne faut pas voir en cette
modalité, la cause de la mauvaise exécution des travaux. Beaucoup de projets
financés sur ce modèle ont été des réussites. C’est peut-être l’entreprise
locale qui forme le groupement avec l’entreprise extérieure qui n’a pas bien
fait son travail. Il nous faut donc, au niveau national, nous entourer de
toutes les garanties pour que le groupement retenu ait les capacités pour mener
convenablement les travaux. Mais de façon générale, cette façon de faire ne
favorise pas nos entreprises nationales. Ces dernières ont souvent, à elles
seules, la capacité de participer et d’exécuter convenablement les travaux.
Autre sujet qui a défrayé la chronique :
l’effondrement d’une salle de conférence à l’aéroport de Donsin, entrainant des
morts. Qu’avez-vous fait concrètement concernant cette affaire ?
Nous avons immédiatement
interpelé, à travers une correspondance, l’autorité contractante en charge du
projet. Le parquet s’est aussi saisi du dossier. Une décision a été rendue et
des personnes ont été condamnées. Comme le parquet s’en était saisi, nous attendions
la fin de la procédure judiciaire pour voir s’il y a des conséquences à tirer
de cette procédure. Les prévenus étaient poursuivis pour fraude à la commande
publique, blessure involontaire et homicide involontaire. Ils ont finalement
été condamnés pour les chefs de blessure involontaire et homicide involontaire.
Nous attendons de voir la suite que l’autorité contractante donnera à ce
dossier. Généralement, quand on sanctionne, c’est pour que l’entreprise puisse
s’améliorer, pas pour la détruire. Lorsque l’autorité qui porte le projet nous
fera le point du dossier, nous aviserons.
Il y a souvent des alertes sur des
infrastructures qui sont en train d’être mal construites ou sur le non-respect
de certaines normes pendant l’exécution des travaux. L’ARCOP a-t-elle la
possibilité de s’auto-saisir pour éviter qu’un drame se produise par la
suite ?
Il y a eu récemment un cas
concernant la réalisation d’une infrastructure scolaire à Pabré. Les
bénéficiaires ont signalé à l’autorité que les travaux en cours n’étaient pas
de qualité. Nous avons été interpelés par le Réseau national de lutte
anti-corruption (REN-LAC). Une équipe de l’ARCOP est allée constater que les
travaux n’étaient pas effectués selon les normes. Nous avons interpellé
l’autorité contractante pour que les mesures nécessaires soient prises afin que
l’entreprise puisse effectuer les travaux dans les règles de l’art. C’est le
type de marché où souvent, l’autorité contractante n’a pas les moyens pour
engager une entreprise pour les travaux et un bureau pour assurer le
suivi-contrôle. Le suivi des travaux est généralement assuré par un agent de la
commune. Il est évident qu’il ne peut suivre les travaux 24h/24. L’entreprise
peut ainsi en profiter pour ne pas respecter les spécifications techniques du
marché.
Vous avez parlé du REN-LAC qui s’investit
également dans la lutte pour la transparence dans la gestion des affaires
publiques. Comment collaborez-vous avec le REN-LAC, l’ASCE/LC et les autres
structures qui agissent dans ce domaine ?
Nous avons un cadre de
concertation avec les acteurs qui œuvrent dans la lutte contre la corruption,
la mauvaise gouvernance, etc. Chaque année, nous organisons une rencontre pour
un partage d’expériences. Chaque structure présente son programme par rapport à
la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Et chaque fois que
nous devons mener des actions, nous nous référons à cela. Nous travaillons
beaucoup avec l’ASCE/LC. Nous devons d’ailleurs élaborer une stratégie concernant
la lutte contre la corruption dans le secteur de la commande publique.
L’expertise de l’ASCE/LC est déterminante pour cela.
Quelles sont les actions spécifiques que vous
menez à l’endroit des entreprises, des autorités contractantes, des bureaux de
contrôle et des autres acteurs qui interviennent dans la chaine de la commande
publique ?
Nous organisons régulièrement des
activités de sensibilisation et de formation. Cela est destiné à des acteurs du
secteur privé, du secteur public et de la société civile. Avec l’université,
nous avons un partenariat pour former une masse critique de personnes aguerries
dans la passation des marchés publics. C’est un programme qui bénéficie de
l’accompagnement de la Banque mondiale. Nous avons également une direction de
la formation qui, ponctuellement, appuie les autorités contractantes par des
formations sur la bonne gestion de la commande publique.
Certains textes relatifs à la commande
publique sont en relecture. Quels seront les nouveautés ?
Nous avons évalué le dispositif
actuel suite à des études et aux observations de nos partenaires. Cela a révélé
des faiblesses. La relecture permettra de remédier à ces faiblesses. En plus,
au regard du contexte difficile que connait notre pays du fait de la situation
sécuritaire, il était important de nous adapter à la nouvelle donne et voir
comment faire face aux défis actuels. Malgré cette situation difficile, l’Etat
n’a pas arrêté de fonctionner. Nous devons maintenir le cap. Nous devons
introduire des réformes pour continuer de passer les marchés afin de participer
au développement. Le nouveau dispositif devrait permettre de prendre en compte
la situation sécuritaire et d’aller vite dans la passation des marchés. La
question des urgences, au regard du contexte, s’imposera. Il faut donner la
possibilité aux autorités de passer des commandes rapidement sans sacrifier aux
procédures traditionnelles tout en restant dans la situation règlementaire
habituelle. C’est, par exemple, la possibilité de faire une procédure gré à gré
lorsqu’une urgence se pose. Cette procédure est décriée par l’opinion alors
qu’elle est prévue par les textes et peut être utilisée dans des conditions
précises. Si les conditions sont respectées, l’autorité contractante pourra passer
le marché pour satisfaire le besoin sans pour autant violer des questions
d’éthique.
L’urgence pourrait également conduire à des
dérives, non ? Le fait d’aller vite, souvent trop vite pour des commandes
qui engagent parfois de très gros montants…
L’objectif, c’est d’orienter le
système de sorte à ce que l’urgence puisse permettre d’obtenir des résultats et
satisfaire un besoin donné.
Ce retour en force du gré à gré pourrait
entrainer une situation où l’on attribue des marchés à des amis ou en fonction
des intérêts de certains individus ou groupes d’individus. Comment
analysez-vous cela ?
Contrairement à ce qu’on pense,
il n’y a pas de retour en force au gré à gré. Si vous feuilletez notre rapport
d’activités, vous verrez que la proportion des marchés passés par les
procédures ouvertes est supérieure à celle des procédures de gré à gré. Prenons
un cas : si dans la région du Sahel, on veut réinstaller des populations
dans des zones libérées et qu’on veut, dans le cadre de la réinsertion, reconstruire
une école par exemple, en quoi c’est mauvais d’utiliser une procédure
d’urgence ? Ici, l’urgence s’explique par le fait que si l’on doit
utiliser la procédure normale, il n’est pas évident de terminer la construction
de l’école avant la rentrée scolaire. Il est donc possible, par une procédure
de gré à gré, de faire en sorte que l’école puisse être réalisée avant la
rentrée scolaire qui a lieu en octobre. Si on devait utiliser la procédure
normale, il n’est pas évident que l’école soit prête avant la rentrée scolaire
ou même la fin de l’année.
Qu’avez-vous d’autre, de fondamental, à dire
pour terminer cet interview ?
Nous souhaitons la contribution
de tous les acteurs pour la relecture des textes relatifs à la commande
publique. Nous avons posté les projets de textes sur notre site www.arcop.bf.
Tous ceux qui s’intéressent à la commande publique sont invités à contribuer
pour que nous puissions avoir un dispositif vraiment adapté à notre contexte.
Ce sera notre contribution, en tant que Volontaires
pour la défense de la patrie (VDP), dans la lutte contre le terrorisme. Et
pour cela, nous devons être des VDP dans le processus de la commande publique.
Propos recueillis par Hervé D’AFRICK