Il se passe des choses
terribles à la prison de haute sécurité. Des présumés terroristes sont en train
de se radicaliser. Ils ont même la possibilité, à partir de la prison, d’avoir
des contacts téléphoniques avec des combattants restés sur le terrain. L’un des
détenus, libéré en 2021 avec d’autres détenus, après y avoir passé plusieurs
années, révèle, dans cette interview, la face cachée de la prison de cette
prison. En octobre 2020, suite à des négociations entamées par l’Etat avec des
groupes terroristes, plusieurs détenus ont été libérés. Certains ont ensuite
repris les armes et tourné aussitôt leurs canons contre les Forces de défense
et de sécurité et les populations civiles. Et voilà que le Président Damiba
vient d’annoncer la mise en place de comités locaux de dialogue avec des
terroristes. Notre interviewé, qui a requis l’anonymat pour des raisons
évidentes de sécurité, est formel : selon les confidences qui lui ont été
faites au sein de la prison par des présumés terroristes, dont des chefs, il
faut d’abord remplir certaines conditions. Et ce n’est pas tout. Coup de pied
dans la fourmilière de sujets brûlants…
Courrier confidentiel: Vous avez cotoyé, pendant plusieurs années, de grands bandits et de
présumés terroristes. Comment, de façon concrète, cela s’est-il passé ?
J’ai
vécu cette détention dans des conditions difficiles. L’alimentation n’était pas
du tout de qualité. Et la ration, bien souvent, très insignifiante. Mais nous
n’avions pas vraiment le choix. Cependant, certains prisonniers, notamment de
présumés terroristes, qui recevaient de l’argent de personnes extérieures,
avaient, je dirais, une vie de pacha. Ils pouvaient acheter, chaque jour, ce
qu’ils voulaient auprès de l’administration pénitentiaire. Cette dernière
dispose d’aliments et de boissons conservés dans des réfrigérateurs. Mais de
nombreux détenus avaient du mal à s’en procurer, faute de moyens.
Un
autre fait, qui m’a beaucoup marqué, ce sont les sévices corporels. Des sévices
parfois extrêmes qui ont même provoqués la mort de certains détenus. J’ai été
témoins de cela et c’est très frustrant. Un détenu, Amadou Tamboura, d’un âge
avancé, 70 ans environ, en est mort. Ce jour-là, il y a eu une grogne au sein
de la prison, une façon de protester mais en silence pour ne pas subir le même
sort. C’est une prison assez particulière. Nous avons cotoyé, comme vous le
dîtes, pendant des années, de présumés terroristes. Je dirais même, sans risque
de me tromper, que la grande majorité des détenus ont été incarcérés pour faits
de terrorisme, complicité de terrorisme et d’autres infractions liées à cela.
En réalité, l’effectif des grands bandits à la prison de haute sécurité est
estimé à 2 ou 3%. Tout le reste, au regard de leurs comportements et du langage
qu’ils tiennent, proviennent, à mon avis, de milieux terroristes ou de groupes
armés radicaux.
Comment se
comportent-ils et quel type de langage tiennent-ils ?
Pour
les avoir cotoyés et échangé avec eux pendant plusieurs années, je sais qu’ils
proviennent de différents groupes terroristes. Des sources proches de
l’administration pénitentiaire en parlent d’ailleurs. La rivalité qui existe
entre certains groupes armés s’est même déportée à la prison de haute sécurité.
Ces détenus affichent souvent leurs positions, de façon ouverte. Certains sont
du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), d’autres de Ansarul
Islam, un groupe affilié au GSIM, d’autres encore de Boko Haram, du Mouvement
arabe de l’Azawad (MAA), etc. Ils disent avoir participé à telle ou telle
attaque et assument cela pleinement. Ils parlent aussi souvent des actions de leurs
collaborateurs sur le terrain. Il a fallu les cotoyer pendant des années pour
mieux comprendre ces choses.
Que vous ont-ils dit concernant
les attaques ?
Ce
ne sont pas des confidences en tant que tel. Ils en parlent ouvertement au sein
de la prison de haute sécurité. Et ils sont catégoriques sur certains
points : les Forces de défense et de sécurité, sans peut-être le savoir,
contribuent, disent-ils, à agrandir les rangs des terroristes. Selon eux, les
FDS ont commis des exactions, et chaque fois que ces exactions sont commises,
des familles entières, peinées par la mort d’un des leurs, rejoignent les
groupes armés dans le but de se venger. De nombreux Burkinabè ont pris les
armes contre les FDS et les autorités qu’ils accusent de les persécuter. Je
signale que certains chefs terroristes arrêtés sont également détenus au sein
de la prison de haute sécurité. Ils ont été arrêtés soit par l’Armée burkinabè,
soit par la Force Barkhane. Ces chefs terroristes évoquent plusieurs cas où des
dizaines de personnes, en provenance de plusieurs villages, les ont rejoints.
Et dans la plupart des cas, ces villageois vendent leurs bœufs et autres biens
afin de se procurer des armes auprès des groupes terroristes. Ils se dressent
ensuite contre les FDS, les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et les
autorités qu’ils considèrent désormais comme leurs ennemis. Selon l’un des
chefs terroristes, la plupart des personnes qui combattent aux côtés des
groupes terroristes sur notre territoire sont des Burkinabè. Et ils le font
parce qu’ils ont subi, selon eux, des injustices.
Certains évoquent des
raisons religieuses également, semble-t-il…
A ma
connaissance, ceux qui s’engagent pour des raisons purement religieuses ne sont
pas nombreux. Selon les confidences qui ont été faites par certains détenus, on
pourrait les estimer à 3%. Et il s’agit essentiellement des leaders des groupes
terroristes, de certains chefs et de leurs éléments de main. Les autres se sont
engagés dans le but de se venger. Soit du fait d’un conflit inter-communautaire
ou ethnique, soit du faits de désaccords avec les VDP. Ou encore parce que l’un
des membres de leurs familles a été tué suite à une opération des Forces de
défense et de sécurité. Je ne sais pas s’il y a eu vraiment des exactions. Je
vous rapporte simplement ce qu’ils disent au sein de la prison de haute
sécurité.
Qui sont les chefs
terroristes en détention ?
Ils
sont une vingtaine. Je peux citer, entre autres, Issiaka Diallo. Il serait du
GSIM. Il est très craint au sein de la prison. Il y a également Moussa Sangaré,
un proche de Amadou Koufa du groupe Ansarul Islam. De même que un certain
Oumarou Diallo, Mohamed Coulibaly, Adama
Nakanabo, Mohamed Dembélé. Ce dernier a été arrêté suite à l’offensive menée
par les FDS contre de présumés terrroristes dans le quartier Rayongo à
Ouagadougou. Il serait affilié au Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA) qui a fait
fureur dans le Nord-Mali il y a plusieurs années. Un autre est présenté comme
faisant partie du groupe qui a attaqué Splendid Hôtel et Cappucino en 2016. Il
est aussi soupçonné d’avoir participé à l’attaque de Grand-Bassam en Côte
d’Ivoire. Un autre encore faisait partie de ceux qui semaient la terreur à
Tombouctou au Mali, notamment dans l’application de la charia. D’autres chefs
sont également en détention. Ils ont une forte influence sur les autres
prisonniers.
Le gouvernement avait
confié, en 2021, que certains terroristes qui ont participé à des attaques
seraient des mineurs. En existe-t-il à la prison de haute sécurité ?
Ils
sont une quinzaine. Leur âge varie entre 12 et 16 ans. Selon les informations
que j’ai pu recueillir, ils ont été complètement formatés et sont très
dangeureux. A leur arrivée, il semblaient être sous l’effet de la drogue. Il y
a également des étudiants burkinabè détenus pour complicité de terrorisme. J’ai
appris qu’ils renseignaient les terroristes.
Des négociations avec les
terroristes ont eu lieu en octobre et décembre 2020. Il nous revient que des
terroristes, détenus à la prison de haute sécurité, ont été libérés suite à ces
négociations. Avez-vous constaté cela ?
Je
le confirme. Nous avons suivi de près ces libérations. L’un des chefs
terroristes, Moussa Tamboura, détenu dans cette prison, a même participé à
l’élaboration de la liste des personnes à libérer. Le jour de leur libération,
nous étions dans les couloirs. C’était dans la soirée. L’un des éléments tenait
la liste et appelait les détenus qui devaient rejoindre un car stationné devant
la prison. Ce jour-là, 29 personnes ont été libérées. Ce chiffre a été avancé
par certains médias dont le vôtre. Mais il y avait bien plus. Le surlendemain
de cette première libération, une quinzaine de détenus ont été libérés. Nous en
avons dénombré 44 au total.
Y a-t-il eu d’autres
libérations de présumés terroristes ?
Souvent,
sur instructions du juge, certains détenus sont libérés. Pas sous la même forme
que les 44 en 2020, mais plutôt en de petits groupes ou individuellement. Selon
nos informations, il n’y aurait pas de preuves solides contre eux. Mais cela
laisse à réfléchir car, pendant notre détention, nous avons constaté que ces
personnes appelaient souvent, par téléphone, des combattants sur le terrain.
D’ailleurs, lors des discussions entre détenus, ils ne s’en cachent pas. Nous
ne savons pas si ces nouvelles libérations sont liées à des négociations entre l’Etat et les
groupes auquels ils appartiennent. Ou s’il s’agit effectivement d’un manque de
preuves les concernant. Par contre, pour les 44 libérés en octobre 2020, c’est
dans le cadre d’une entente entre le groupe terroriste Ansarul Islam affilié au
GSIM et l’Etat burkinabè. Certains chefs terroristes détenus à la prison de
haute sécurité nous en ont parlé.
Cette prison serait devenue
un lieu de «formation» de terroristes. Confirmez-vous cela ?
C’est
possible. Les présumés terroristes en détention, bien qu’étant dans des
cellules, sont laissés à eux-mêmes. Il n’y a pas de suivi adéquat de la part
des services de l’Etat. Les détenus se cotoient, échangent. Et il est évident
que dans de telles conditions, ils
soient en intelligence et peaufinent des plans d’attaque qu’ils pourraient
mettre en exécution à leur sortie de prison. Certains, à leur arrivée, ne sont pas
forcément trempés dans le terrorisme, mais au contact des autres, ils se
radicalisent de plus en plus. De grands bandits, arrivés il y a une ou deux
années par exemple, ont finalement eu des
penchants terroristes. Nous l’avons constaté de par leurs comportements. L’administration
pénitentiaire ne dispose pas de moyens adéquats pour faire face à cette
situation. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) effectue souvent
des visites au sein de la prison. Il mène des actions de sensibilisation et veille
à ce que certaines conventions dont le Burkina est signataire soient respectés.
Mais l’impact des actions entreprises, y compris celles des services de l’Action
sociale qui opèrent au sein de la prison, est très faible face à des
prisonniers dont la plupart sont détenus pour avoir commis ou tenté de
commettre des actes irréparables. Tant que ces prisponniers, soupçonnés de
terrorime ou reconnus comme tel, seront
en contact permanent au sein de la prison de haute sécurité, cette prison
apparaitra comme un lieu de «formation» de terroristes. Et une fois que ces
derniers seront libérés, bonjour les dégats ! Il faut absolument
réorganiser le système pénitenciaire, au regard de la qualité des détenus. Si
des militaires burkinabè par exemple sont détenus dans cette prison, ils sont
susceptibles de changer de bord à force de cotoyer des détenus présumés
terroristes. Ces derniers ont une capacité extraordinanires de rallier les gens
à leur cause. Ils le font de façon méthodique.
Des militaires burkinabè, en détention dans cette prison, ont dû
finalement être transférés dans une autre prison, notamment la Maison d’arrêt
et de correction de Ouagadougou (MACO). L’Administration pénitentiaire avait
constaté qu’ils s’adaptaient à certains comportements des présumés terroristes.
L’autre
problème, c’est que tous les détenus ont la possibilté d’appeler des personnes
extérieures à la prison grâce à un téléphone portable tenu par des gardes
pénitenciaires. Il suffit d’en exprimer la demande. Certains détenus appellent
ainsi, sous l’œil vigilant de l’administration pénitentiaire, des membres de
leurs familles. Mais d’autres, surtout ceux qui relèvent de groupes radicaux ou
terroristes, sont plutôt énigmatiques. Lorsque certains sont en communication,
ils parlent, dans bien des cas, dans une langue que l’administration
pénitentiare ne maitrise pas. Souvent, ils utilisent des codes pour s’exprimer
lorsqu’ils se rendent compte que la langue utilisée est à la portée des gardes
pénitentiaires. Ces derniers ne savent
pas à qui exactement ces détenus parlent. Tout est donc possible, y compris des
instructions pour d’éventuelles attaques. La pratique est récurrente.
Il
est même permis de recevoir de l’argent, par transfert, via le téléphone
affecté aux appels des détenus. Des présumés terroristes reçoivent ainsi,
presque chaque semaine, de l’argent de personnes qui sont sur le terrain, aux
côtés des terroristes. Les membres de l’administration pénitentiaire ne savent
peut-être pas la qualité de ceux qui envoient cet argent. Mais au sein de la
prison, on en parle. Tout cela est facilitée car, une fois les fonds transférés,
le bénéficiaire donne «quelque chose» à certains membres de l’administration. Les
présumés terroristes, eux, ont acheté, grâce à l’argent qu’ils reçoivent, une
télé et suivent surtout les programmes à connotation islamiste. Et lorsqu’une
attaque se produit, ils captent d’autres chaines afin de suivre l’actualité. Ils
veulent absolument avoir les dernières informations.
Avez-vous constaté des
libérations monayées ?
Non !
Je ne crois pas que cela existe à la prison de haute sécurité. Du moins, je n’en
ai jamais été témoin. Par contre, certains membres de l’administration
pénitentiaire extorquent souvent de l’argent aux détenus. J’en ai été moi-même
victime à plusieurs reprises. Il y a également des Avocats qui ont eu des
entretiens avec des détenus, qui ont pris de l’argent pour les défendre, mais
qui ne sont plus jamais revenus.
Des prisonniers libérés ont
semble-t-il repris les armes. Et certains arrêtés, pendant où après des
attaques, ont été réincarcérés à la prison de haute sécurité. En avez-vous
connaissance ?
Effectivement,
certains prisonniers libérés ont été tués lors d’attaques perpétrés après leur
libération. Ils ont effectivement participé à ces attaques. Lors de la dernière
grande attaque, en mars 2022, au Mali contre la base de la MINUSMA, trois
terroristes, libérés en 2020 de la prison de haute sécurité du Burkina, seraient
morts. L’un des présumés terroristes, qui faisait partie de la première vague
de 29 personnes libérées en 2020, a participé à une récente attaque de
Namisiguia, au Burkina Faso. Il a été arrêté et tranféré à la prison de haute
sécurité. Il y a bien d’autres.
Comment
s’approvisionnent-ils en armes ?
Pour
avoir cohabité pendant des années avec eux, j’ai pu glaner quelques
informations. A les écouter, ils se sont beaucoup approvisionné au niveau des dotations
faites par l’Etat aux forces armées nationales. Pendant certaines attaques,
leur objectif est en réalité de récupérer les armes et les munitions stockées
dans les carsernes et autres bases des Forces de défense et de sécurité. Et
pour cela, ils se préparent en conséquence. L’attaque doit être massive et
disproportionnée, de sorte à mettre les éléments de la force burkinabè dans l’incapacité
totale de réagir. Ils peuvent ainsi récupérer des armes, souvent même des armes
lourdes, et se replier sans difficulté vers leurs cachettes. Selon eux, ils
quittent complètement la zone pour éviter d’être repérés par un hélicoptère des
troupes burkinabè ou françaises. Souvent, les armes proviennent, disent-ils, de
pays voisins comme le Mali, le Niger ou, dans certains cas, de la Lybie.
Quelle relations éventuelles
ont-ils avec les Forces françaises, notamment la Force Barkhane ?
Pendant
ma détention, j’ai entendu dire de la bouche de certains présumés terroristes,
y compris certains de leurs chefs, qu’ils entretiennent de bonnes relations
avec les Forces françaises. Selon eux, même en cas d’accrochages, les préjudices
ne sont pas énormes. Ils précisent cependant que ce n’est pas le cas concernant
touts les groupes armées qui opèrent dans la région du Sahel. Certains groupes considèrent les Forces
françaises comme un ennemi à abattre à tout prix. Pour d’autres par contre, il
y a une sorte d’entente cordiale. D’ailleurs, le gouvernement malien accuse la
Force Barkhane d’être de mèche avec certains groupes armés ou groupes
terroristes. Les autorités ont donc sommé les forces françaises de quitter le
pays. La situation au Burkina Faso est différente. Même s’il y a certaines
complicités présumées entre la Force Barkhane et certains groupes terroristes,
la plupart des combattants s’engagent par soucis de vengence. Comme je vous
l’ai dit, le rang des terroristes grossit du fait de certaines exactions
commises par l’Armée sur des populations civiles, du fait également de conflits
inter-communautaires, de divergences très tranchées avec les VDP, etc. La
principale cible, dans ce cas de figure, c’est l’Etat burkinabè, donc l’Armée,
les VDP, les autorités et les autres civils. Les présumés terroristes, avec qui
nous avons pu échanger au fil des ans, affirment n’avoir pas de problème
particulier avec l’Armée française.
L’Etat burkinabè a annoncé
la création de comités locaux de dialogue avec les terroristes. Comment réussir un tel processus ?
C’est
possible si certaines conditions sont effectives. S’il s’avère que l’Armée
commet effectivement des exactions comme tendent à le faire croire certains
présumés terroristes, il faut allors éviter de telles dérives. Et réinstaurer
un climat de confiance avec les populations. Cela va réduire très
considérablement le nombre de frustrés qui rejoignent les groupes terroristes.
Et donner des assurances également à ceux qui ont rejoint ces groupes et qui
pourraient avoir la volonté de les
quitter.
Mais
à mon avis, le dialogue ou la négociation n’est pas la bonne solution. De ce
que j’ai entendu en prison, même s’il y a un accord avec un groupe terroriste
donné, les autres vont amplifier les attaques pour exprimer leurs désaccords.
Et même si des chefs terroristes venaient à souscrire à la formule du dialogue,
il n’est pas évident que les combattants, qui sont les plus nombreux,
s’inscrivent dans ce sens. Je pense qu’il faut donner des armes adéquates à nos
Forces de défense et de sécurité et veiller à ce que les primes et autres
avantages soient servis à bonne date. Mettez nos hommes dans de très bonnes
conditions et vous verrez des résultats concrets ! Je pense personnellement
que nous pouvons vaincre le terrorisme s’il existe une vraie volonté politique,
une stratégie bien appropriée et une bonne conduite des opérations sur le
terrain. Il faut aussi que chaque citoyen joue sa particition en renseignant
l’armée et les services de sécurité. Il importe aussi de créer les conditions
d’un mieux-vivre. Reconquérir les portions du territoire sous occupation
terroriste, les sécuriser et réinstaller les déplacés internes dans leurs zones
d’habitation. Et accompagner leur réinsertion sociale et économique. Il faut
éviter à tout prix d’éventuelles exactions contre les populations civiles.
L’Armée affirme pourtant
n’avoir pas commis d’exactions contre des popualtions civiles. Et que cela est
le fait des groupes terroristes…
Les
terroristes ou présumés terroristes avec qui nous avons souvent échangé ne sont
pas de cet avis. Certains détenus, arrêtés lors de certaines opérations de
l’Armée, et qui disent ne rien se reprocher, affirment qu’ils ont trouvé les
mécanismes pour passer un message aux membres de leurs familles : qu’ils
vendent tous leurs biens et rejoignent les groupes terroristes. Et c’est
exactement ce que ces derniers ont fait.
Après avoir passé plusieurs
années à la prison de haute sécurité, qu’avez-vous envie de dire de plus pour
terminer cet entretien ?
L’Etat
gagnerait à mettre de l’ordre dans cette prison. Car les détenus, à force
d’être en contact avec des chefs terroristes et d’autres présumés terroristes, se
radicalisent davantage. Au fil des années, j’ai pu observer, de même que d’autres
détenus, de terribles changements de comportements. Et à cette allure, à leur
libération, il faut s’attendre à des attaques. La preuve, c’est que plusieurs
présumés terrorristes libérés dans le cadre des négociations ou sur instruction
du juge, ont repris les armes. Certains ont été tués lors de certaines
attaques. D’autres ont été arrêtés à nouveau. D’autres encores, dont on ignore
où ils se trouvent, sont probablement retournés à leurs anciennes pratiques.
Propos recueillis par Hervé
D’AFRICK