Ils
ont tout fait pour étouffer le dossier. Mais 34 ans après, l’affaire Thomas
Sankara prend un virage décisif. Au Tribunal militaire, le 11 octobre dernier,
toutes les personnes mises en examen étaient là. Sauf deux, quasiment les têtes
d’affiche : l’ancien président Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando, le
chef présumé du commando qui a assassiné Sankara et douze de ses compagnons
présents, ce jour-là, dans la salle de réunion du Conseil de l’Entente. Des
témoins vivants de l’affaire existent. Et ils parlent, avec force détails. Le
juge d’instruction semble avoir fait un travail de fourmi. Il a rencontré des
témoins burkinabè, français, ghanéens, etc. Du complot et de son exécution, des
témoins ont dit au juge ce qu’ils en savaient. Ils parlent également de
l’implication d’institutions publiques étrangères dans le coup d’Etat sanglant.
«Dites à votre petit Capitaine qu’il commence à compter ses abattis ; le
compte à rebours est enclenché », aurait affirmé le président français
d’alors, François Mitterrand, à un groupe de journalistes français, suite au vote effectué
par le Burkina aux Nations unies en faveur de l’autodétermination du peuple
Calédonien en 1986, rapporte un témoin français au juge d’instruction. Ou
encore cette note des services secrets français transmise au juge
d’instruction, dans laquelle il est écrit : « Chirac voulait la peau
de Sankara. Il écrit à son ministre de la Coopération, Michelle Aurillac, que
pour l’année 1987, il faut aller au-delà de la réduction de l’aide
envisagée ». Et ce n’est pas tout. Témoignages exclusifs sur une affaire
qui tient le Burkina en haleine depuis plus de 30 ans
1) Sur les faits d’attentat à la sûreté de l’Etat
Attendu
que Ouédraogo Nabonsséouindé, Nacoulma Wampasba, Tamini
Gabriel, Diendéré Gilbert, Ouédraogo Tibo, Sawadogo Idrissa, Ilboudo
Yamba Elysée, Belemlilga Albert Pascal Sibidi, Démé Diakalia, Daboné Gérard,
Palm Mori Aldiouma Jean-Pierre, Kafando Tousma Hyacinthe, Compaoré Blaise dit Jubal
et Tamboura Moussa sont mis en examen pour attentat à la sûreté de
l’Etat ; (…)
Attendu
que dans le cas d’espèce, il ressort des pièces de la procédure que le 15
octobre 1987, aux environs de 16h30 mn, alors qu’il se tenait une réunion dans
une des salles au sein du «Conseil de l’Entente» sous la direction du Président
du Faso, Thomas Sankara, président du Comité national de la Révolution, un
groupe de sous-officiers et militaires de rang, sous la houlette de l’Adjudant
Kafando Hyacinthe, en tenue militaire ou en tenue de sport, se déplaçant à bord
de deux véhicules, tous armés de fusils de guerre, de concert avec le Capitaine
Blaise Compaoré et Diendéré Gilbert, prenaient d’assaut la salle de
réunion ; qu’une fois sur place, ils tiraient d’abord sur les éléments de
sécurité du président à l’entrée de la salle de réunion avant de crier aux
occupants de sortir ;
Que
c’est ainsi que le président Thomas Sankara fut le premier à sortir de la salle
de réunion et fut immédiatement criblé de balles de fusils kalachnikov par le
groupe de militaires ; que tous les autres membres de la réunion eurent le
même sort, à l’exception de Traoré Alouna qui n’a heureusement pas reçu de
balle après avoir fait le mort parmi ses compagnons ;
1. a) Du complot et de son exécution
Attendu
que plusieurs éléments du dossier établissent l’existence d’un complot,
c’est-à-dire une entente préalable, une organisation, une exécution planifiées
et articulées simultanément, en plusieurs phases, en différents point de la
ville, notamment au secrétariat du CNR à l’intérieur du Conseil de l’Entente où
se trouvait le Président Sankara, à la gendarmerie, à l’actuelle Ecole
nationale de la Police à Gounghin où se trouvait la Force d’intervention du
ministère de l’Administration territoriale et de la sécurité (FIMATS) et à l’Escadron
de transport et d’Intervention rapide (ETIR) basé à Kamboisin ;
Qu’il
ressort du dossier et des déclarations de nombreux témoins, l’existence d’un
complot qui a connu son dénouement final le 15 octobre 1987, par la mort du
Président Thomas Sankara et douze autres ; que le témoin Diallo Ismaël soutient (I-208,p 2 et 5) qu’il a cherché à
contacter Blaise Compaoré le 15 octobre 1987 aux environs de 08 heures, qu’il a
appelé le Conseil puis le ministère de la Justice, celui-ci n’y était pas,
qu’il l’a appelé à son domicile, et est allé le voir peu avant 09 heures (à
côté de l’Assemblée nationale), qu’il était en survêtement de sport et qu’il
lui a demandé ce qu’il faisait à la maison à cette heure dans cette tenue,
qu’il «m’a dit qu’il avait le palu», qu’il aurait dit sur sa terrasse, qu’il
fallait faire une déclaration aujourd’hui même pour dire que chemin faisant
dans la Révolution, le ver est entré dans le fruit mais les leaders en ont pris
conscience et travaillent à ramener une situation normale, qu’il lui a demandé
s’il avait vu Gilbert Diendéré sortir quand il rentrait chez lui et qu’il a
répondu «Non» ; qu’il «a
ajouté que c’est la première fois que Gilbert et lui parlent politique »,
… «Il m’a simplement dit que c’est la première fois que lui et Gilbert ont
parlé politique. Cela peut vouloir dire qu’ils ont convenu de
« neutraliser » Thomas en début d’après-midi ».
Pour le
témoin Bicaba Denis (I-97, p4) «Tinto
Adama, Caporal à l’époque, pourrait vous donner plus de détails sur les
assaillants du 15 octobre. (…) Il était de la garde rapprochée de Blaise
Compaoré. Il m’a rapporté, alors que nous étions dans la même cellule enfermés
à la gendarmerie après le 15 octobre, qu’un jour, le président Thomas Sankara
s’était annoncé pour une visite à Blaise Compaoré. Sa sécurité rapprochée s’excitait
et voulait abattre le Président à son arrivée. Que Hyacinthe Kafando avait mis
un dispositif en place pour attendre le Président. Blaise est sorti leur
dire : « ça ne se fera pas chez moi », de se calmer. Il est allé
tout raconter au Président Sankara. Le 15 octobre, lorsqu’il y a eu le coup d’Etat,
Tinto Adama a été arrêté et enfermé au Conseil d’abord et ensuite à la
Gendarmerie » ;
Au
sujet de la préparation ou non de l’action du 15 octobre 1987, le militaire Tinto Adama
répond « Peut-être qu’ils
préparaient ça au niveau du Conseil mais moi je n’étais pas informé. Je sais
seulement qu’il n’y avait pas d’entente entre Hyacinthe et son groupe et les
éléments de Sankara. Moi j’étais isolé. J’étais aussi le beau-frère du
Commandant Lingani. Ils pouvaient aussi penser que si j’étais au courant de
quelque chose, je vais le dénoncer. Ils ont même pris des mesures contre moi au
moment de l’action et j’ai été arrêté et emprisonné » ; il ajoute (1-256, p2) : « Dans la soirée du
15 octobre vers 16 heures 30 - 17 heures, j’ai entendu des coups de feu du côté
du Conseil de l’Entente. Je n’avais que mon colt sur moi. Je suis allé prendre
mon fusil kalachnikov et je suis sorti au dehors pour voir ce qui se passait et
mettre mes éléments en place en cas de cas. Quand je suis sorti devant la
porte, net mes éléments m’ont encerclé. Ils m’ont dit, je ne me rappelle plus
qui exactement, « Caporal vous êtes en arrestation ». J’ai demandé
pourquoi ? Ils m’ont dit qu’ils ont reçu l’ordre de Hyacinthe Kafando
quand ils vont entendre les coups de feu, de m’arrêter. Puis ils ont réclamé
mes armes. Je leur ai remis. Ils m’ont ensuite conduit dans une maisonnette
dans la cour de la Promotion économique et ils m’ont enfermé dedans jusqu’au
lendemain matin à 07 heures. Nabié N’Soni et Maiga Hamidou Pathé le chauffeur
sont venus me chercher et m’ont amené au Conseil de l’Entente et ils m’ont
enfermé à l’étage de la Villa Togo. J’étais seul, ensuite ils ont amené Kambou
Diwité et l’ont enfermé avec moi. Le même jour, dans la soirée vers 19 heures,
Hyacinthe Kafando est venu avec un P.A. en main et m’a dit que j’étais avec
eux, que Thomas Sankara préparait un coup pour 20 heures, que j’étais au
courant et je ne leur ai rien dit. Je lui ai répondu que je ne suis pas informé
de cela. Il a secoué sa tête et est ressorti (1-256, p4) ».
Guy Delbrel : « J’ai rencontré plusieurs fois Thomas
Sankara avec Maurice Freund. Je pense que vos propos font état de notre
dernière rencontre qui remonte au 30 septembre et aux premiers jours du mois
d’octobre 1987. A cette date-là, nous
avons acquis la conviction que Blaise Compaoré a obtenu un feu vert d’Abidjan,
voire de Paris, pour assassiner Thomas Sankara. Lorsque le Président du Faso me
pose la question habituelle : «Que dit la rue ? », je lui
réponds très directement : «La rue dit que Blaise va te tuer ».
De mémoire, Thomas s’insurge. Il nous dit que Blaise n’a pas besoin de le tuer
car il lui a confié sa propre sécurité et qu’il lui a même proposé de se
retirer pour qu’il puisse devenir le numéro un. Comme j’insiste en lui
fournissant plusieurs détails qui traduisent l’effervescence de l’entourage de
Blaise Compaoré, il me répond en substance que nous voyons le mal partout et
que tout se passera bien, nous n’avons rien à craindre. Mais en même temps, il
nous expose en une longue tirade son choix et sa volonté de ne pas faire couler
le sang. Il précise : «Le jour où la Révolution fera couler le sang, nous
aurons perdu » … « Mais le sang ne coulera jamais de ma main ».
Mon inquiétude s’aiguise lorsqu’en tête à tête, Thomas me parle de son épouse
Mariam et surtout de ses deux fils Philippe et Auguste. Ceci est étonnant car
le Président du Faso ne parlait jamais de sa vie privée et des siens (I-311,
p3) »
Stephen Smith (I-314,
p3) : Le 14 octobre 1987, à la mi-journée, alors que je déjeunais avec des
invités à mon domicile à Abidjan, le Président Thomas Sankara m’a appelé au
téléphone, sans intermédiaire, ce qui n’était pas habituel. C’était la première
fois. Lorsque je prends le téléphone, je suis donc surpris, stupéfait. Je ne
peux pas vous répéter aujourd’hui exactement les paroles du Président, sauf
deux mots qui sont restés gravés dans ma mémoire parce qu’ils revenaient fréquemment.
Il disait sans cesse «Très mal». Il exprimait la plus vive inquiétude mais
« à la Sankara », avec un peu de plaisanterie malgré tout.
Visiblement, il ne voulait pas que je le prenne pour un appel de détresse, mais
c’en était un. Il me dit en gros «Tu devrais venir très rapidement, ça va
vraiment très mal ici». J’ai alors décidé de me rendre à Ouagadougou, mais sans
vraiment saisir l’urgence extrême. Le lendemain, en fin d’après-midi,
j’apprends la mort du Président Thomas Sankara, probablement par ma Rédaction à
Paris ou par mes collègues de Reuters qui étaient dans le même bâtiment que
moi. J’envoie alors un message télex à la Présidence et reçois, en retour, une
réponse du Capitaine Blaise Compaoré me disant de venir en dépit de la
fermeture des frontières terrestres et aériennes. J’arrive à Ouagadougou, le 16
ou le 17 octobre 1987 au soir, mais je penche plutôt pour le 16 octobre, à bord
d’un véhicule avec trois confrères journalistes anglophones. A la frontière, on
nous laisse entrer. Le soir même, je rencontre, seul, Blaise Compaoré au
Conseil de l’Entente. Je n’ai même pas eu le temps de me changer. Il me parait
très abattu, les traits creusés. Il me dit, en substance, qu’une tragédie s’est
produite, que Thomas est mort. Il ne me dit rien sur son rôle dans cette
tragédie.
Le
témoin Zetyenga Abdrahamane est
formel (I-137, p2) : «Le 14 ou le 15
octobre 1987, le Lieutenant Gilbert Diendéré a convoqué une autre réunion,
cette fois-ci des gradés sans ceux de la sécurité rapprochée. (…) Il a dit au
cours de cette réunion qu’il y avait une réunion du CNR le 15 octobre à 19 heures
au Conseil. Que selon les informations, le Capitaine Sankara devait venir
introduire la réunion et repartir. Au cours de cette réunion, il nous a dit que Sankara préparait un
coup contre Blaise Compaoré au cours de la réunion du CNR de 19 heures qui
devait être exécuté par Sigué Vincent et ses hommes. Il a ajouté qu’il fallait
tout faire pour éviter ce bain de sang en procédant à l’arrestation du Capitaine
Thomas Sankara à son arrivée à 15 heures pour préparer la réunion de la nuit,
pour ensuite l’amener en résidence surveillée à Pô. Compte tenu des
suspicions qui régnaient entre lui et moi, j’ai évité de prendre la parole pour
qu’il ne dise pas que je suis de l’autre côté. Apparemment, il y avait des
camps tranchés. Seulement, je me suis dit intérieurement, comment Sigué, au regard de notre dispositif, peut venir le franchir,
entrer au Conseil pour des choses comme cela ? On pouvait le cueillir bien
avant, lui et ses hommes, au lieu de penser à arrêter le Capitaine Thomas Sankara.
Dans la journée du 15 octobre 1987, le Lieutenant Diendéré a consigné le
quartier, pour pouvoir mettre à exécution son plan. Je n’ai pas eu
d’informations concernant la manière dont ils allaient arrêter Thomas Sankara,
ni qui devait le faire. Je pense qu’il doit avoir eu une réunion au cours de
laquelle des instructions ont été données à ceux qui devaient le faire, sinon
ça ne se serait pas produit » Le témoin Zetyenga Abdrahamane a confirmé ces propos lors de la
confrontation avec Diendéré Gilbert
qui a réagi en reconnaissant la tenue de la réunion le 15 octobre 1987 au matin
et en soutenant que l’arrestation dont parle Zetyenga Abdrahamane est celle pour laquelle les acteurs de
la tuerie du 15 octobre lui ont donné comme explication (I-295, p6). Il ajoute
que le long passé depuis ces évènements fait qu’il y a beaucoup de confusion de
la part de Zetyenga Abdrahamane ».
Le
témoin Diallo Moussa affirme :
« … Premièrement, de par mes
fonctions à la gendarmerie, nous avions infiltré l’opposition burkinabè qui
était en Côte d’Ivoire et financée par le Président Houphouët Boigny. Cette
opposition avait le Capitaine Jean Claude Kamboulé à sa tête. Il nous est
revenu, de façon formelle et précise, que le Président Houphouët Boigny a dit à
cette opposition d’arrêter son plan de déstabilisation parce que Blaise allait
se charger d’éliminer Sankara. Kamboulé a piqué une colère vive et est venu se
plaindre à ses éléments en disant que Houphouët est naïf, qu’il ne savait pas
que Sankara et Blaise sont comme des frères. On en a parlé de vive voix au
Président Sankara qui l’a rapporté à Blaise. Un jour, Blaise a demandé à
Compaoré Ousséni, Commandant de la gendarmerie, si c’est lui qui a dit à
Sankara qu’il devait le tuer. C’était en 1986 si je ne me trompe pas (I-253,
p2) » Il ajoute qu’il se souvient aussi que quelques jours avant le 15
octobre 1987, le regretté député Cissé Drissa dit Kennedy, un ami du Colonel-Major
Jean Pierre Palm avait déclaré à une dame à Bobo qui l’a rapporté à leurs
services, que Blaise Compaoré va prendre le pouvoir ; que le 13 ou le 14
octobre, Cissé Drissa dit Kennedy a été interpellé et gardé au Groupement de
gendarmerie Bobo avec interdiction de visite et de communication, et que son
transfert sur Ouagadougou devait avoir lieu le 16 octobre 1987 (I-253, p3).
Le
témoin Zongo Victor (I-448, p3) de
la gendarmerie confie lors de son audition : « Ce que je peux
ajouter, à peu près un mois avant le 15 octobre 1987, notre chef, Kaboré Tibo, m’a appelé pour me dire
que je serais envoyé en mission secrète à Abidjan. J’ai dit pourquoi moi ?
Il a dit que selon les renseignements, j’aurais un parent dans la gendarmerie
ivoirienne. Effectivement, j’avais un coussin direct du nom de Ilboudo Eugène
qui a pris sa retraite avec le grade de Capitaine dans la gendarmerie
ivoirienne au camp d’Akouédo. De par la position de ce dernier, je pourrais
avoir des informations intéressantes pour la Présidence du Faso. J’ai effectué
cette mission avec un certain Ouédraogo Seydou du ministère du Commerce,
aujourd’hui particulier travaillant en privé. Si je ne me trompe pas, j’ai reçu
trois cent cinquante mille (350 000) francs pour cette mission du
commandant de la gendarmerie Ousséni Compaoré.
L’argent m’a été apporté en personne par le Lieutenant à l’époque Diendéré Gilbert. C’était une mission, nous a-t-on dit, de la plus haute
importance. A la dernière minute, dans l’avion, mon compagnon Seydou m’a dit
que c’était pour rencontrer Jonas
Savimbi. A Abidjan, nous avons effectivement pu rencontrer Jonas Savimbi
avec qui nous avons échangé longuement avec un interprète qui traduisait. Des
échanges, il est ressorti clairement que le Président Sankara devait faire
attention à Kaboré Boukari dit le Lion parce que, d’après leurs informations,
il était susceptible de lui faire un coup d’Etat. J’ai pris note et je suis
venu rendre compte. Cette note devrait normalement être retrouvée dans les
archives du service de renseignements de la gendarmerie. Après les évènements
du 15 octobre 1987, mon chef Kaboré Tibo Georges qui m’appelait grand frère,
m’a dit un jour : « Grand frère, on nous a menés en bateau. Ta
mission a été bien remplie mais on nous a menés en bateau » Il me semble,
à la lumière des évènements, que nous avons été conduits sur une fausse route
avec des acteurs internationaux tels que les Savimbi qui se baladaient
librement à Abidjan en Côte d’Ivoire, qui avaient des liens avec le Président
Houphouët. Ça, ça me fait penser à un complot international dans l’affaire
Thomas Sankara. Kaboré Boukari dit Le Lion s’est révélé être le soutien du
Président Sankara. Ce qui est contraire aux éléments donnés par Savimbi. La
relation de ce dernier avec Blaise Compaoré et son régime, je ne vous fais pas
un dessin. Après les évènements, Savimbi avait ses entrées à la Présidence et
il logeait à l’hôtel Silmandé quand il séjournait à Ouagadougou. Il envoyait
même des armes reçues à l’aéroport de Ouagadougou par Diendéré Gilbert ».
Quant
au témoin Ilboudo Laurent, chef
d’escorte présidentielle le 15 octobre 1987, il affirme que le Président
Thomas Sankara a eu des informations sur ce qui va se passer. Il était au
courant de ce qui se tramait. Il nous a dit qu’il ne veut pas que quelque chose
arrive à un seul cheveu de Blaise (I-50) ; ce que confirme l’aide de camp du
Président Sankara, Zongo Etienne, en ces termes : « La Côte d’Ivoire
a scotché Blaise Compaoré. Avant le 15 octobre, le Président de la Chambre de
commerce venait chaque semaine avec Air Ivoire rencontrer Blaise Compaoré au
salon de l’aéroport et il repartait. Au dernier sommet de la CEDEAO à Abuja, en
1987, on ne voulait pas donner la Présidence qui revenait au Burkina, à Thomas
Sankara. Ça a fait un blocage pendant plus d’une heure. J’ai fait un mot à
Thomas Sankara pour lui dire de laisser passer. Après, le regretté Norbert
Zongo qui était de la délégation, nous a dit que Thomas Sankara devait mourir
bientôt et donc on ne pouvait pas lui donner ce titre de Président de la
CEDEAO. C’était connu qu’il devait être assassiné. Mais Thomas Sankara ne
voulait rien, absolument rien entreprendre contre ses compagnons. Il préférait
que ce soit eux qui prennent l’initiative et en assument les conséquences
(I-214, p7) »
Pour
le témoin Kientega Fidèle (I-238,
p2), « A une semaine à peu près du 15 octobre, un de mes cousins, un civil
du nom de Kientega Pousga Daniel, malheureusement aujourd’hui décédé, a demandé,
de façon insistante, à me voir, mais il est venu non habillé en Faso Dan Fani
exigé à l’époque pour rentrer à la Présidence. Je suis allé le trouver au
niveau de l’actuelle Télévision nationale. Il m’a dit d’inventer un alibi pour
ne plus aller au travail à la Présidence, parce que l’exécution de Thomas
Sankara était imminente et que ça aura lieu au bureau. Le commando a déjà été
désigné et qu’en tant que son cousin, il tenait à m’avertir vu que Thomas
Sankara ne voulait prendre aucune disposition » ;
Dans la pièce
diffusion restreinte, F623177, du 5 novembre 1987 (I-397-199) transmise par les
autorités compétentes françaises, il est écrit : « Renseignements proprement dit :
Arrivée à Paris, quelques temps après le coup d’Etat, Madame Compaoré a
immédiatement répandu, dans les milieux africains, que l’épreuve de force était
engagée entre son mari et Thomas Sankara.
Selon ses
déclarations, l’issue ne pouvait être que fatale, notamment depuis que la
maîtresse de Blaise Compaoré avait, par jalousie, informé Madame Mariam Sankara
que son amant avait entrepris de renverser Thomas Sankara.
Commentaire de la source : Cette
attitude est jugée très maladroite et accentue la mauvaise image de marque dont
jouit Blaise Compaoré depuis la mort de Sankara ».
Qu’outre ces
déclarations ci-dessus, d’autres tendent à conforter le complot en établissant
la simultanéité d’actions menées en plusieurs points de la ville de
Ouagadougou, qui n’auraient pas pu l’être en l’absence d’une concertation et d’une
planification préalables ; qu’il en est ainsi, notamment, des faits
allégués non démentis à travers les déclarations suivantes :
Témoin Diallo Moussa : «Il y avait un
plan qui avait été prévu et qui a été exécuté le 15 octobre. Il était prévu l’élimination
simultanée de certains officiers proches du Président Sankara, ce qui éviterait
tout renfort éventuel de sa garde. Il m’a été rapporté que le 15 octobre, je
devais être éliminé à l’instar de Koama Michel de l’ETIR à Kamboisin. Celui qui
devait le faire semble-t-il était un élément de la Sécurité de Jean Pierre Palm
du nom de Dipama Lassané. Il est venu me chercher au bureau peu avant les tirs
et moi j’étais à l’intérieur de la caserne pour voir des tapis qu’on avait
commandés pour les entrainements du taekwondo. Il m’aurait rejoint en ces lieux
et moi j’étais revenu au bureau. Puis, il y a eu les tirs du côté du Conseil. J’ai
pris le mur pour rentrer chez moi (I-253, p4) ; « Mon intime
conviction est que l’action a été menée sur ordre. Je vous ai relaté plus haut
que le Président Houphouët avait dit qu’il fallait que l’opposition burkinabè
en Côte d’Ivoire arrête le projet de déstabilisation de la Révolution, parce
que Blaise Compaoré se chargerait lui-même de le faire. Ensuite, il y a eu
l’interception de la communication dont je vous ai parlée entre Blaise Compaoré
et Somé Jonas dans laquelle, Jonas disait à Blaise qu’il était temps de passer
à l’action. Il y a également les propos tenus à Bobo par Cissé Drissa,
commerçant, ami de Jean Pierre Palm, qui a valu son interpellation et sa garde
à vue pour être transféré à Ouagadougou, l’intervention de Jean Pierre Palm
pour le libérer. On n’avait pas pu le transférer à Ouagadougou pour être
interrogé puisqu’il y a eu le 15 octobre. Ce
sont tous ces éléments qui me confortent que ce n’était pas une initiative de
la garde rapprochée de Blaise Compaoré. Mieux, si cela avait été le cas,
pourquoi ils n’ont pas été sanctionnés mais protégés et promus (I-253, p2).
Témoin Ouattara Hamidou : « J’ai
quitté le terrain pour rejoindre le
magasin d’armes. En partant, j’ai vu le Lieutenant Somé Gaspard en tenue
militaire, portant son arme colt 35 blanc avec barillet à la ceinture, sur une
grosse moto Ténéré, arrêté au poste de garde du Poste de commandement (PC) avec
les hommes de garde dont je n’ai plus souvenance. Quand je passais, le Lieutenant
Gaspard m’a intercepté entre le magasin d’armes et le terrain et m’a demandé où
je partais. Je lui ai répondu que je partais au magasin d’armes, des CDR auraient dit au chef de corps que ça
tirait du côté du Conseil de l’Entente. Il m’a instruit d’aller l’attendre au
magasin. Il était environ 16 heures. Les militaires du corps sont venus récupérer
l’armement individuel, des kalachnikovs, et sont restés sur place, mais le chef
de corps Koama Michel qui est rentré chez lui pour s’habiller en tenue militaire
et nous rejoindre, n’est pas venu. On attend, il ne vient pas. On pensait qu’il
était parti au Conseil. Personne ne nous donnait des instructions ; on
attendait sur place. Aux environs de 19 heures, le délégué à la sécurité, le
regretté Maïga Mamadou, qui partait et qui venait, nous a dit que le Président
Sankara est mort et le chef de corps Koama Michel aussi est mort (I-332,
p2) » (…) « De nombreux témoignages affirment que quand il est passé
en tenue de sport, il a été suivi par le Lieutenant Somé Gaspard sur une moto,
puis ils ont entendu la détonation du coup de feu. Le gérant Nikièma Jean Paul
du maquis « Chez Jean Paul »
en face des bâtiments Adaoua a dit qu’il a vu Gaspard revenir de chez Koama
Michel, après le coup de feu prendre une bière boire et est même parti sans
payer. Il est clair que c’est Somé Gaspard qui a abattu Koama Michel dans sa
chambre pour éviter tout renfort à Ouagadougou (I-332, p2 et 3).
Témoin Ouédraogo Abel Marcel Macaire :
« Aux environs de 17 heures, j’étais dans la cour du camp ; le chef
de poste à l’entrée du camp face au monument, le regretté Henri sans autre
précision, m’a appelé ; je me suis déporté vers lui. Il m’a montré du
doigt une troupe militaire qui arrivait du côté Sud. Ils étaient dans un
véhicule, tenue bariolée avec béret renversé. Arrivé à la hauteur du
rond-point, le véhicule s’est immobilisé. Le chef d’équipe est descendu. Les
éléments qui étaient à l’arrière dans le pick-up sont également descendus. Ils
étaient environ une douzaine. Ils ont commencé à progresser à pied vers nous à
l’entrée principale du camp. On a su après que d’autres militaires s’étaient
dissimulés dans le quartier tout autour
du camp CRS pour l’encercler. J’ai crié « Halte »
à ceux qui avançaient. Ils ont obtempéré en s’arrêtant. Leur chef s’est avancé
seul, les mains en l’air, son arme, une kalachnikov crosse escamotable, à la
poitrine. A ma hauteur, il s’est exprimé en ces termes : «Nous sommes des amis, deux hommes se
battent en ville pour le pouvoir, un est déjà mort et nous, nous venons pour
vous aider à sécuriser ». C’était un adjudant du CNEC. Après les agents
m’ont dit que c’était l’adjudant
Tibo » ; (…) « Ensuite, il a ordonné un rassemblement de
tous nos éléments. Pendant que nous étions au rassemblement, nous apercevions
ses hommes venir de tous côtés. Certains ont escaladé le mur et sont rentrés.
D’autres sont rentrés par les diverses portes d’entrée, et même en véhicule. Une fois au rassemblement, il s’est exprimé
de façon autoritaire. Il a dit : «Pour compter de l’heure où nous sommes,
c’est moi qui prends le commandement ici. Si vous apercevez votre chef de corps
Sigué, vous l’abattez ». Ensuite, il a dit « retournez à vos
postes » en nous faisant appuyer par ses éléments militaires commando
dans tout notre dispositif » ; (…) Ce n’était pas le 16 octobre 1987
mais bel et bien le 15 octobre 1987 au soir. Le 16 octobre 1987, nous étions
sous son commandement, d’ailleurs depuis le 15 octobre 1987, dès qu’il a
investi notre camp (I-291, p3) ».
Témoin Nahoura Kationga, restauratrice à
l’époque au quartier Kamboisin : « Le lundi 12 octobre 1987, Traoré Bossobè est venu à mon maquis
« la buvette Kolonia » à Kamboisin. Je lui ai servi de la boisson et
de la soupe. Il m’a confié que c’est peut-être la dernière fois que l’on se
voit. Je lui ai demandé s’il devait voyager. Il a dit non ; que Nabié lui
a dit de ne pas venir le jeudi au sport de masse parce qu’il y aura un coup d’Etat.
Il a ajouté qu’il a dit à Nabié qu’il était militaire, qu’il a prêté serment et
qu’il ne pouvait pas ne pas venir. Je lui ai demandé pourquoi il ne dit pas à
Thomas qu’il y aura un coup d’Etat et il m’a répondu que Thomas était déjà au
courant. Je lui ai demandé qui veut faire le coup d’Etat à Sankara ; il
m’a répondu que c’était Blaise. Après son départ, le troisième jour, il y a eu
les coups de feu. J’ai appris que Thomas Sankara a été assassiné avec ses
compagnons (I-112, p2) ». Interrogé, l’inculpé Traoré Bossobè confirme s’être rendu chez la restauratrice mais
soutient que c’est cette dernière qui lui aurait dit que ça n’allait pas chez
eux ;
Pour le
témoin Guissou Basile Laetare :
« Blaise Compaoré était coutumier des absences aux réunions. Quand il sentait
que ça va chauffer, il ne vient pas. Je me souviens d’une de ses absences au Conseil
des ministres qui s’est tenu à la Kompienga. C’était après la conférence
avortée d’Etienne Traoré de l’UCB, à l’Université de Ouagadougou sur l’histoire
du mouvement étudiant. La conférence n’a pas pu se tenir ce jour. Il y a eu des
affrontements même physiques et Etienne Traoré est parti. J’y étais présent
avec Alain Coefé, ministre du Commerce et de l’Approvisionnement du peuple. Le
Conseil des ministres à Kompienga devait en parler. Blaise Compaoré n’est pas
venu. J’ai dit à Valère Somé de ne pas venir au Conseil des ministres. Comme cela
il y aura un absent de chaque côté. Il y avait une alliance sacrée, y compris
avec Blaise Compaoré, anti-ULC. Il n’y a pas longtemps, Salifou Diallo m’a
confirmé ce que je savais déjà lors d’un échange avec lui. Il m’a dit que le 15
octobre, la Secrétaire de Thomas Sankara l’a appelé au moment où il prenait sa
moto pour aller à la rencontre de 16 heures, pour lui dire d’aller chez Blaise
Compaoré pour récupérer ses avis et amendements éventuels sur l’ordre du jour
de la réunion. Etant chez Blaise, les coups de feu ont éclaté. Blaise Compaoré
lui-même devait être à la réunion et il s’était dit malade. Ce ne serait pas la
première fois qu’il agissait de la sorte. Chaque fois qu’il sentait qu’il
allait être mis en difficulté, il ne venait pas. Selon toute vraisemblance, il
me semble que sachant ce qui devait se passer, il ne voulait pas être à la
réunion ».
Balima Serge Théophile, l’une des dernières
personnes, sinon la dernière personne à rencontrer le Président Sankara, dans son
bureau, peu avant qu’il ne se rende au Conseil le 15 octobre 1987,
témoigne : «Pendant que nous
échangions sur la question, il reçut deux appels téléphoniques. Le premier vers
16 heures 05 minutes d’une dame, en tout cas la personne avait une voix
féminine que je donne pour être son épouse. Sankara avait mis le hautparleur.
La dame en question lui disait : ‘’Où es-tu, sauve-toi, on va te tuer, on
m’a appelé pour me le dire, on va te tuer’’. Sankara a essayé de
tranquilliser son interlocutrice en lui disant qu’il n’y avait rien, que le
soir ils en reparleraient. C’est ce qui me fait penser à sa femme. Le deuxième
appel téléphonique est venu aussitôt après, vers 16 heures 10 minutes, disant
que tout le monde était prêt à la salle de réunion et que c’est lui qu’on
attendait. J’ai cru reconnaitre la voix de Alouna
Traoré. Sankara a répondu en disant qu’il arrive tout de suite ». Il
poursuit en disant qu’il lui semble que « Blaise a été utilisé par la
chefferie traditionnelle, les religieux et certains chefs d’Etat des pays
voisins qui passaient par lui pour transmettre des messages à Sankara pour
qu’il les laisse respirer, qu’il modère son discours à leur égard. Blaise en a
profité pour soigner son image. Même dans la famille de Thomas Sankara, Blaise
était considéré comme le meilleur fils parce qu’obéissant, respectueux des
usagers et des coutumes. A mon avis, Blaise a été poussé par toutes ces forces à intervenir » ; qu’en outre,
plusieurs éléments concordants du point 1.b ci-dessous, sur la responsabilité
d’institutions publiques ou de personnalités étrangères, corroborent également
l’exécution d’un complot le 15 octobre 1987.
1.b) Des implications d’institutions publiques
et de personnalités étrangères
Attendu
que l’instruction a révélé de présomptions sérieuses d’implication de
personnalités et de puissances étrangères dans les événements du 15 octobre
1987, au Conseil de l’Entente, qui ont mis fin au régime du CNR, et instauré le
Front populaire avec Compaoré Blaise à sa tête, confortant ainsi la thèse d’un
complot international impliquant la France et d’autres pays et soutiens pour
faire taire un Président révolutionnaire qui dérange et inquiète nombre de
chefs d’Etat africains et d’ailleurs, en raison de son intégrité, son
dévouement pour son peuple, son non-alignement, son combat pour plus de justice
et d’équité pour les peuples, ses dénonciations et son combat contre « l’impérialisme »
des grandes puissances, etc. ;
Attendu que nombre de sources jamais
démenties mettant en cause la responsabilité de la France dans la mort du
Président Thomas Sankara ; qu’ainsi, lors de l’émission « Rendez-vous
avec X » de Patrick Pesnot (France Inter) du 23 février 2002 consacrée à
l’assassinat du Président Thomas Sankara, monsieur X, censé être retraité des
services secrets français, affirmait : « Il est évident que dès
le retour de la droite aux affaires en France, nos meilleurs amis africains se
précipitent sur leur téléphone… pour demander à Jacques Foccart de mettre fin
au scandale Sankara ». Plus loin : «A votre avis, dès le retour de
Foccart, on songe vraiment à se débarrasser de Sankara ? Bien sûr !».
A la question : « Les services secrets vont-ils jouer un rôle ? »
Monsieur X répond : « Comment pourrait-il en être autrement ? L’Afrique
est truffée d’agents, des anciens qui travaillent directement pour les
dirigeants africains ou des compagnies. Il y a ceux qui sont en activité et qui
veillent à préserver nos intérêts là-bas ».
Que
dans le même sens, François Hauter,
journaliste au Figaro, déclarait en mai 2008, au cours d’une conférence publique
à Dakar, à l’occasion de la célébration de la journée internationale de la
liberté de la presse, que : « j’ai le sentiment que l’on m’a utilisé
pour assassiner Thomas Sankara » ; que les faits remonteraient à
septembre 1987 lorsque le journaliste avait le projet d’un reportage sur la
Révolution burkinabè ; qu’informé, Guy
Penne, un des ‘’monsieur Afrique’’ de François Mitterrand, le contacte,
puis l’introduit auprès de l’Amiral Lacoste,
patron de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) de 1982 à 1985, qui lui fait rencontrer
le chef d’antenne des opérations africaines ; que ce dernier lui remettait
un dossier à charge contre le régime de Thomas Sankara pour nourrir son article
sur de prétendues intimidations, tortures en tous genre et exactions commises
par le pouvoir burkinabè sur les populations civiles ; que le journaliste
s’était rendu à Ouagadougou, mais n’arrivait pas à vérifier les
informations ; que dubitatif, il revoit Guy Penne qui le rassure et
affirme que le dossier à charge des services secrets français était
crédible ; que son article hostile au Burkina Faso et à son chef était
publié ; que deux semaines après, Sankara était dans une boite à
sapin ; que le piano sera accordé entre la DGSE et le représentant de la
CIA au Burkina ; que la décision de mettre hors-jeu Sankara était le
résultat d’une intrigue internationale impliquant d’autres pays voisins du
Burkina : la Côte d’Ivoire de Félix
Houphouët Boigny et le Togo d’Eyadema, deux Etats avec lesquels Sankara
entretenait des relations exécrables ; que le Roi du Maroc qui avait rompu
ses relations diplomatique avec le Faso ne pleurera pas non plus sa disparition ;
que c’était à Korhogo, en 1987, dans le grand nord ivoirien, ville dans
laquelle il a vécu de 1961 à 1975, qu’une réunion conspirative composée du
numéro deux de la Révolution burkinabè, Blaise Compaoré, du Général d’armée
ivoirien, Robert Guéi et du Secrétaire
général du parti unique de Cote d’Ivoire, le PDCI, Laurent Dona Fologo qu’il sera décidé de mettre hors-jeu le
capitaine Sankara, avec l’accord de la Cellule
africaine de Matignon ; que Sankara faisait peur ; qu’il ne
restait plus qu’à donner le feu vert au meilleur ami et bras droit de Sankara,
le capitaine Blaise Compaoré pour mettre le coup de grâce à l’exubérant et
encombrant Capitaine Président.
Attendu
que des pièces d’exécution de la commission
rogatoire international adressée aux autorités compétentes françaises, il
ressort des pièces et de l’audition de témoins des éléments probants ;
qu’en effet, dans son audition à Paris, Monsieur Robert Bourgi déclare (PV N° 157 du 27 juillet 2018,
I-397.60) que « lors d’une émission télévisée, il y a quelques mois sur la
chaine 27, TV France Info, le journaliste Jean-François Achili, me sachant très
connaisseur de la chose africaine, m’a parlé du Burkina Faso, où le Président
de la République Monsieur Macron devait se rendre. Nous avons évoqué bien
entendu la personne de Thomas Sankara, qui avait été assassiné en octobre 1987.
J’étais un ami très proche du Président Sankara et lorsque j’ai été en 1986 au
cabinet du ministre de la Coopération, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises
de voir le Président Sankara à Ouagadougou et de m’entretenir avec lui. Avec le
temps, nous sommes devenus très proches. A cela s’ajoute le fait que le
Président Sankara avait comme conseiller à son cabinet, monsieur Ablassé
Compaoré qui était mon étudiant de longues années durant à la faculté de Droit
d’Abidjan où j’enseignais de 1979 à mars 1986. Le Président Sankara avait une
très forte personnalité qui ne répondait absolument pas à la personnalité des
autres dirigeants africains. Farouchement nationaliste, il tenait à tout prix à
faire respecter son pays qu’il appelait
fièrement « le pays des hommes intègres ». En tant que conseiller politique du ministre de la
Coopération, j’étais appelé à fréquenter de manière assidue Monsieur Jacques Foccart, le monsieur Afrique de
Jacques Chirac, comme il le fut avec le Général de Gaule et monsieur Pampidou.
On me sait très proche de monsieur Foccart. A l’époque de la première
cohabitation, monsieur Foccart me savait très proche du Président Sankara et
très intéressé par la nouvelle politique prônée par le Président Sankara. Ce que je vais vous dire aujourd’hui, n’est
connu de personne. Monsieur Foccart m’a dit ceci : « Robert, il
serait bon que vous alliez à Ouaga et de mettre en garde le Président Sankara
dont vous êtes l’ami. D’après ce que je sais, il pourrait lui arriver des
désagréments ». Il ne m’en a pas dit plus. J’appelle aussitôt monsieur
Compaoré Ablassé à Ouaga et je lui annonce mon arrivée. Je me rends donc à
Ouaga où je suis accueilli par mon ancien étudiant qui me conduit aussitôt auprès
du Président Sankara. Après les salutations d’usage, je lui délivre la mise en
garde que m’avait faite monsieur Foccart. Il a été surpris et m’a
dit : «Je vais éclaircir tout cela ». Je lui ai alors répondu
ceci : « Thomas, le message vient de monsieur Foccart. Il n’a pas
pour habitude comme tu le sais de dire n’importe quoi. Sois donc
prudent. » Mon séjour se déroule comme d’habitude. Je rentre sur Paris.
J’évoque avec monsieur Foccart mon voyage, mes entretiens avec le Président
Sankara. Les semaines passent et au mois d’octobre 1987, dans le cadre de mes
fonctions, j’effectue un déplacement à Dakar. Un matin, je reçois un coup de fil du Président Sankara qui me dit
ceci : « Robert, j’ai vérifié et effectivement j’ai renforcé ma
garde. » Quelques temps après, le Président Sankara était abattu. Grande
fut ma peine. Ce que je vous ai dit, je ne l’ai pas dit sur le plateau de
télévision. Ce qui est troublant, c’est qu’à la suite de l’assassinat du
Président Thomas Sankara, d’autres ministres de Sankara avaient été abattus
dont mon ami Henri Zongo. Tout cela est très troublant. » A la question de
savoir quels rôles ont pu jouer les institutions publiques française (services
secrets, ministères, etc.) et les dirigeants français (de l’époque) dans
l’assassinat du Président Thomas Sankara, celui-ci répond : «Je l’ignore,
je ne le sais pas. Ce que je peux dire, c’est que l’assassinat du Président
Thomas Sankara et d’autres responsables burkinabè doit avoir été bien préparé.
L’assassin doit avoir été conseillé et soutenu. Ça ne peut pas être un acte
isolé. Je ne sais pas qui a préparé et
soutenu ces assassinats. Seul le procès le dira. J’appelle de mes vœux le
procès de Blaise Compaoré ». A la question de savoir si la Direction
générale de la Sécurité extérieure (DGSE) savait ce qui se tramait et a laissé
faire ?, le témoin répond que si monsieur Foccart avait des informations,
c’est qu’il les tirait des renseignements. A Matignon, on travaille sur les
renseignements de la DGSE.
Dans la note déclassifiée des services
secrets français (I-397.177), il est écrit : « Primo :
l’ancien commandant de la gendarmerie, le capitaine Ousséni Compaoré, toujours
incarcéré (et non décédé comme le bruit en a couru), a fait des aveux complets
sur le complot projeté par Thomas Sankara pour éliminer Blaise Compaoré, Henri
Zongo et Boukari Jean Baptiste Lingani, prévu pour 15 octobre 1987 à 20h00. En
réalité, l’affaire avait été montée pour le 8 octobre mais a du être retardée
en raison de la tenue du séminaire international anti-apartheid. Les documents
saisis chez Vincent Sigué et chez un Sous-officier complètent ces révélations.
Des gilets pare-balles avaient été distribués aux hommes de Sankara et de Sigué
ainsi qu’à des CDR. A la même époque, Sigué avait fait acheter des batteries
neuves pour les blindés de l’ETIR basés à Kamboinsin. Des dépôts d’armes et de
munitions ont été retrouvés par la suite. Secondo :
un 3e complot, autre que le précédent et celui qui coûta la vie à Sankara,
était également en préparation. Un officier de la base aérienne a été arrêté
dans le cadre de cette affaire fin octobre. Les auteurs se désignaient
ainsi : armée de libération Manding, mouvement du 20 octobre. Ils avaient
adopté un emblème et une devise. De nombreux tracts non distribués ont été
saisis chez plusieurs personnes. »
Ces
informations ont été évoquées par Diendéré Gilbert (I-414, p4), responsable de
la sécurité du Conseil de l’Entente à l’époque du 15 octobre 1987, mis en
examen dans le dossier. Il soutient à ce propos que : « …Dans ce
même ordre d’idée, il y avait l’ETIR commandé par Koama Michel qui, théoriquement,
était sous le commandement du commandant de la 5e Région militaire (Blaise
Compaoré) mais qui répondait de Thomas Sankara et avait des activités à l’insu
de Blaise Compaoré. Selon ce qu’on a appris à l’époque, le complot de 20 heures
devrait venir de là-bas, ce serait eux qui devraient mener l’action principale.
Pour ce faire, ils avaient remis en état un certain nombre d’engins blindés qui
étaient en panne. Lorsqu’on met ces informations bout à bout, l’on est en droit
de s’inquiéter de ce qui devait se passer. ». Cependant, le témoin Dramé Yaya de la FIMATS à
l’époque, déclare lors de son audition (I-279, p2 et 3) que : « Diendéré Gilbert nous a dit que
Sigué Vincent avait un plan machiavélique, que des documents ont été trouvés
chez lui, faisant état d’une prise du pouvoir et d’un changement du nom du pays
qui deviendrait l’empire du Mandingue. C’est ce dont je me souviens … »
En
réponse à la note confidentielle française
ci-dessus, Compaoré Ousséni, auditionné est formel (I-440, p8) : « D’abord,
je n’ai jamais été entendu par personne, a fortiori faire des aveux sur quelque
chose qui n’a jamais existé à ma connaissance. Je n’ai jamais été entendu ni
par la gendarmerie ni par la police ni par les putschistes du 15 octobre sur
cette question, encore moins par un juge. Si quelqu’un dit le contraire, qu’il
amène le procès-verbal qui le constate. Je suis prêt à être confronté
publiquement aux auteurs de cette note confidentielle du ministère des armées
français. Cependant, je tiens à dire, étant du métier, que de telles
manipulations ne sont pas étrangères des services secrets, surtout lorsque l’on
soutient des putschistes qui ont du mal à faire passer leur action ou à la justifier.
Cela prouve que les informations que
nous avions à l’époque des services secrets étrangers, notamment français, se
vérifient. Nous savons que des agents de la Direction générale de la Sécurité
extérieure (DGSE) française se sont rendus à la gendarmerie après le 15 octobre
et ont travaillé avec les putschistes. Est-ce une indication de leur
implication, de leur collusion ? Je le crois. »
Dès
lors, si tout cela est avéré, l’on peut se demander légitimement comment les
services secrets français ont pu avoir « les aveux » de Compaoré
Ousséni, alors détenu au Conseil de l’Entente, sans une collaboration avec les
responsables du Conseil de l’Entente à l’époque. Ce qui établirait une
collusion entre les différents acteurs.
Le
témoin Guy Delbrel témoigne (I-311,
p3) : un autre élément, c’est lors du vote aux Nations unies concernant la
Nouvelle Calédonie, je crois en fin 1986. A ce propos, l’élément suivant m’a
été rapporté par un journaliste à Libération, puis au Matin de Paris et RFI du
nom de Elio Comarin, avec lequel je travaille régulièrement. Un jour, il me
demande qu’on se voit très rapidement. Il est bouleversé et souhaite me faire part d’une discussion tenue
par le Premier ministre français Jacques Chirac. J’ai noté avec précisions les
propos de Elio entendus quelques heures auparavant de la bouche de Jacques
Chirac. Celui-ci, mécontent du vote du Burkina Faso aux Nations
unies en faveur de l’autodétermination du peuple Calédonien, réunit quelques journalistes,
dont Elio Comarin (il est mort la semaine dernière à Venise suite à une
opération), à qui il dit : «Dîtes à votre petit Capitaine qu’il commence à
compter ses abattis, le compte à rebours est enclenché». Nous étions abasourdis
et je n’ai pas demandé qui étaient les autres personnes présentes quand Chirac
parlait.
Dans
la note des services secrets français transmise au juge d’instruction
(I-397.33), il est écrit en annexe 11 : « Chirac voulait la peau de
Sankara. Il écrit à son ministre de la Coopération, Michel Aurillac, que pour
l’année 1987, il faut aller au-delà de
la réduction de l’aide envisagée »
On note également des échanges de
correspondance entre le Premier ministre Jacques Chirac et Blaise
Compaoré : Lettre N°0011/FP/PRES du 10/12/1987 de Blaise Compaoré au
Premier ministre Jacques Chirac (I-397.131) ; Lettre N°104840 du
12/12/1987 du Premier ministre Jacques Chirac au Président Blaise Compaoré
(I-397.1333).
Selon
le témoin Guissou Basile Laetaré :« Avec
la Côte d’Ivoire, la tension était réelle. Le Burkina avait été toujours
sous-traité par la Côte d’Ivoire. Il fallait passer par Houphouët pour
s’adresser à la France et vice-versa. C’était la première fois qu’il était
écrit dans les accords que le Burkina Faso et la France décidaient de coopérer
sur un pied d’égalité. Toutefois, j’avais des relations privilégiées avec
Houphouët à cause de mon père dont il fut un grand ami. Je me souviens que
Christian Nucci, ministre français de la Coopération avec qui nous avions signé
les accords en février 1985, disait que cela allait nous coûter cher. On
n’avait plus besoin de parler à la France via la Côte d’Ivoire. On n’avait pas
besoin de dessin pour savoir que le Burkina était un cas à part. »
Dans le sens
de l’existence d’un complot, le témoin Nahoura
Kationga, affirme (I-112, p2) : « Le lundi 12 octobre 1987,
Traoré Bossobè est venu à mon maquis « la buvette Kolonia » à
Kamsonghin. Je lui ai servi de la boisson et de la soupe. Il m’a confié que c’est peut-être la dernière fois que l’on se voit. Je
lui ai demandé s’il devait voyager. Il a dit non ; que Nabié lui a dit de
ne pas venir le jeudi au sport de masse parce qu’il y aura un coup d’Etat. Il a
ajouté qu’il a dit à Nabié qu’il était militaire, qu’il a prêté serment et
qu’il ne pouvait pas ne pas venir. Je lui ai demandé pourquoi il ne dit pas à
Thomas qu’il y aura un coup d’Etat et il m’a répondu que Thomas était déjà au
courant. Je lui ai demandé ‘’qui veut faire le coup d’Etat à Sankara’’, il m’a
répondu que c’était Blaise. Après son départ, le troisième jour, il y a eu
les coups de feu. J’ai appris que Thomas Sankara a été assassiné avec ses
compagnons. Le jour du coup d’Etat,
lui-même a reçu une balle dans la main droite. Présentement, ses doigts sont
foutus. Il a passé par le mur du Conseil de l’Entente pour fuir. Une Blanche
l’a pris dans sa voiture 205 immatriculé « IN» aller déposer à l’hôpital
Yalgado avant de continuer. C’est ce qu’il m’a expliqué lorsque je suis allé le
voir. Il a duré à l’hôpital. La main avait commencé à pourrir. A cause de
Nabié, le Président Blaise l’a envoyé en France se soigner pendant plus d’un
an. A son retour, il est revenu dans mon maquis. Quelqu’un m’a dit qu’il a été
dédommagé, qu’il a eu de l’argent ; il est allé au village construire une
maison et se faire des champs. C’est ce que je connais de l’histoire. C’est
tout ce que je sais ».
Le témoin Dagano Karim déclare (I-447) :
« Comme l’exige la procédure, nous avons pris les archives d’écoute
concernant Blaise Compaoré et Palm Jean Pierre que nous nous sommes partagées
et avons procédé à leur destruction. Ce dernier, en personne, est venu dans
notre service, accompagné de Français, avant même de prendre le commandement, à
la recherche de preuves qu’il était sous écoute. Il a récupéré toutes nos
bandes d’enregistrement et toutes les archives, y compris une table d’écoute
portative qu’il a emportées avec lui, je pense au Conseil de l’Entente. La
table elle-même a été désactivée puisqu’elle ne pouvait pas être emportée. Elle
était bien fixée et scellée. Notre chef de service, Douamba Boukari dit Kadhafi, peut vous dire avec plus de précision
ce qu’il a pu écouter ou filmer les concernant. Par la suite, il a été mis aux
arrêts à la salle C par Palm Jean Pierre.»
Pour Zongo Victor (I-448,
p2) : « Dès le lendemain
16 octobre 1987, si ma mémoire est bonne, Palm Jean Pierre est venu, accompagné
d’un Blanc qui serait un technicien, plus un autre qui serait un Capitaine
français dénommé Baril. Un des deux a suggéré à Palm Jean Pierre d’arrêter
Douamba Kouliga Boukari, le chef de service de la technique opérationnelle car
il était très dangereux. Comment, pourquoi, on n’en sait rien. Séance tenante,
il a été arrêté puis conduit pour être enfermé à la salle C. Ils ont
inspecté la table d’écoute qui se trouvait au rez-de-chaussée du commandement
de la gendarmerie. Je n’ai pas su tout ce qu’ils ont fait là-bas. Notre chef de
service, Kaboré Tibo Georges, aurait déploré qu’on amène ces Français découvrir
et inspecter notre service et nos installations qui avaient été équipées par
des soviétiques et le personnel formé par les Russes, les Algériens et les
Cubains. »
Pour le
témoin Douamba Boukary, le chef
Dagano Karim en question : « Notre chef, le Lieutenant Tibo, passait
nous encourager. Jusqu’au jour où le Capitaine Palm Jean Pierre est venu dans
notre bureau avec des Blancs, probablement des Français. Un d’entre eux a dit
au Capitaine Jean Pierre de m’arrêter ; je ne sais pas pourquoi, mais j’ai
entendu. Après ça, j’ai continué le service jusqu’au jour où, entre le 16 et le
18 novembre 1987, aux environs de 17 heures, j’étais au bureau, des gendarmes
sont venus m’arrêter et me conduire devant le Capitaine Palm Jean Pierre, le
Lieutenant Bassolé Djibril et le Lieutenant Somé Gaspard. Ils étaient ensemble
dans leur QG à l’Escadron. Le Lieutenant
Bassolé Djibril a dit de me conduire à la salle C où j’ai été enfermé.
Il y avait beaucoup de gens déjà enfermés là-bas, des civils comme des
militaires (I-449, p2) »
L’inculpé Palm Aldiouma Jean Pierre de la
gendarmerie nationale confirme la présence de militaire de la DGSE
française à Ouagadougou au lendemain du 15 octobre 1987 en ces termes
(I-453) : (…) C’est une mission française qui était là, qui demandait à
faire le point des matériels des Forces armées. Ils étaient à la gendarmerie et
dans d’autres corps je pense. C’est la Présidence qui les avait envoyés. A la
gendarmerie, ils sont venus me rencontrer. Ils se sont intéressés aux
transmissions. Il y avait un service en bas du bâtiment du commandement, je ne
sais plus lequel ; il y avait aussi le standard et d’autres services. On a
visité le bas et on est allé à l’intérieur du camp Paspanga où se trouvaient
les transmissions. (…) Je ne peux pas vous donner de date. Je ne peux pas vous
donner la période précise à laquelle ils sont venus. Je n’ai plus souvenance
s’ils ont pris ou emporté quelque chose ou pas. Je sais par la suite qu’on a
envoyé Batako Jean Paul en stage au niveau de la DGSE. »
« Le 24
juin 2018 à 09 heures 13, monsieur Bruno
Jaffré adresse un courriel au Lieutenant
Augiat afin de lui communiquer un renseignement. Il est rédigé tel qu’il
suit : «On m’a en effet signalé qu’un ancien membre de la DGSE dont le nom
est Philippe Cauvin serait un ancien membre de la DGSE et qu’il se serait rendu
au Burkina aux alentours du 15 octobre 1987. Je n’ai pas plus de précision.
Cette information m’est parvenue de façon indirecte par un ami dont je ne peux
pas citer le nom à qui on a donné cette information » : Audition du
témoin Bruno Jaffre (I-397-52) sur commission rogatoire internationale ;
« La
France a une longue tradition de déstabilisation des pays africains de la
région qui donnaient des signes de se détacher de la tutelle française, pouvant
aller jusqu’aux assassinats de dirigeants politiques ou avec sa complicité. Il
y a une forte conjonction de considérations politiques qui va dans le sens
d’une volonté française de se débarrasser de Thomas Sankara. Le mariage, entre
autres, de Blaise Compaoré avec une jeune femme
proche d’Houphouët Boigny, a constitué une opportunité pour faire de
Blaise Compaoré l’organisateur local du complot. Houphouët Boigny, le meilleur
ami de la France dans la région, n’a jamais réussi à avoir une réelle influence
sur Thomas Sankara, alors que Blaise Compaoré s’est alors beaucoup rapproché
d’Houphouët Boigny (I-301, p4) ».
« Si
l’hypothèse d’un complot international est largement répandue, il s’agit
surtout de témoignages de compagnons de Charles Taylor, de celui d’une
journaliste du Figaro du nom de François Hauter qui affirme avoir été manipulé
par les services français en vue de salir l’image de Thomas Sankara, par un
certain Amiral Lacoste, d’une émission de la radio publique France Inter dans
laquelle un supposé membre des services secrets français déclare que les
présidents africains ont demandé à Jacques Foccart, revenu aux affaires en
1986, de les débarrasser de Thomas Sankara (I-301, p4) ».
Attendu que d’autres sources accréditent
également l’existence du complot international ; que Cyril
Allen, un proche de Charles Taylor, ancien Président du Libéria, témoigne dans
le documentaire «Ombre africaine » de Silvestro Montanaro de la chaîne
italienne RAI3, le 15 juillet 2009, en affirmant ; «Le piano fut accordé
par les Américains et les Français. (…) et les services secrets français
décidèrent de mettre hors-jeu Sankara ; qu’ainsi sont les faits » ; que les mêmes
déclarations étaient soutenues par Charles Taylor, Cyril Allen et Prince
Johnson notamment lors de leur procès devant le tribunal spécial pour la Sierra
Léone basé à la Haye et pour lesquels la coopération judiciaire nous a permis
d’obtenir des pièces ;
Que pour
faire la lumière sur ces éventuelles implications, une correspondance demeurée
sans suite a été adressée au Procureur général de Sierra Léone en vue d’une
coopération judiciaire devant permettre des actes d’instruction (I-224).
Attendu qu’en
exécution de la commission rogatoire internationale du juge d’instruction, les
autorités compétentes françaises ont transmis deux lots de documents
d’archives, en promettant d’autres transmissions ultérieures ; que le
premier lot a été reçu le 27 novembre 2018 et le deuxième lot le 04 janvier
2019 ; qu’à la date de clôture du dossier, aucune nouvelle transmission
n’a été reçue malgré les rappels et les promesses ; que l’exploitation de
ces documents révèle des zones d’ombre que seule l’audition de certaines
personnes dont certaines s’y refusent (I-397.66, I397.18), l’exécution complète
de la délégation judiciaire et la mise en œuvre de la procédure légale en
matière de déclassification et la levée du secret défense subséquente sur des
pièces pertinentes pourraient clarifier définitivement quant à l’implication
d’institutions publiques françaises, notamment les services secrets, de
personnalités françaises et autres dans les évènements du 15 octobre 1987 et de
ses conséquences ; qu’au demeurant, des éléments sérieux non exhaustifs du
dossier rendent crédibles cette piste.
Qu’un transport judiciaire à Accra au Ghana a
permis d’entendre les témoins ci-après :
John Jerry Rawlings, Président
de la République du Ghana au moment des faits (I-241), déclare avoir connu Thomas
Sankara et Blaise Compaoré avant qu’ils
ne soient au pouvoir. Quelques temps avant la mort de Sankara, Blaise Compaoré
lui a confié que la Révolution du Burkina a été possible grâce à lui. Que
Sankara déviait de la Révolution et il y a un risque qu’il devienne une sorte
de Kim II Sung (un dictateur).
Il dit avoir
été appelé par Sankara sur la dégradation de ses relations avec Blaise Compaoré
qui voulait le mettre hors-jeu. Il a convenu une rencontre à Tamalé avec
Sankara sur ce sujet. A la fin de la rencontre, Sankara lui a paru seul quand
il allait à l’aéroport pour le retour. Blaise Compaoré incarnait les soi-disant
révolutionnaires qui dirigeaient leurs peuples par la peur par opposition à
Sankara qui était jovial, dynamique, proche de son peuple.
Il a été
choqué et amer après la mort de Sankara. Deux ou trois jours après la mort de
Sankara, il a été appelé par Kadhafi à Tripoli pour discuter de sa mort. Il y a
trouvé Blaise Compaoré. C’était une rencontre pour trouver une solution afin de
continuer la coopération et éviter la désintégration de la Révolution en
Afrique. Blaise Compaoré a nié être impliqué dans la mort de Thomas Sankara. A
la fin, Rawlings a refusé de poser en photo avec Blaise pour ne pas donner
l’impression d’être son complice.
Baffour Assasie Gyimah,
coordonnateur national à la sécurité (I-239) déclare avoir connu Blaise
Compaoré quand Sankara était en prison. Que deux semaines avant le 15 octobre
1987, il a été dépêché à Ouagadougou avec le Major Courage Quashigah et le capitaine Georges Partington pour voir
ce qui se passait entre Sankara et Blaise Compaoré. Sankara a parlé pour dire
que c’était les ennemis de la Révolution qui véhiculaient qu’il y avait des
problèmes entre eux mais qu’il n’en était rien. Blaise n’a pas parlé, il est
resté silencieux. Eux, savaient ce qui se passait et étaient choqués d’entendre
qu’il n’y a rien. Le 12 octobre 1987,
Blaise Compaoré est venu au Ghana dans l’avion présidentiel. Lorsqu’il
est allé le rencontrer à l’aéroport, Blaise Compaoré lui a dit qu’il était de
passage et rien d’autre. Ils n’ont pas compris le motif de ce voyage. Lorsque
le 15 octobre 1987, Sankara a été tué, ils ont pensé que Blaise Compaoré a fait
ce voyage pour faire croire aux gens que le Ghana était derrière lui.
Après le 15
octobre, Blaise Compaoré a envoyé une délégation conduite par Jean Baptiste
Lingani pour leur expliquer la situation. Le Président Rawlings a refusé de les
recevoir et l’a envoyé avec le Général Quainoo les rencontrer. La délégation
venue du Burkina a expliqué que Sankara était devenu un dictateur et ne
consultait plus personne dans la prise de décision. Baffour a demandé à Jean
Baptiste si ces raisons étaient suffisantes pour tuer Sankara. Il n’y a pas eu
de réponse. Il a ajouté que vu la proximité des autorités du Ghana et du
Burkina, ils auraient pu être contactés pour en parler et trouver une solution
ensemble. Baffour a demandé à Lingani si à l’avenir pour les mêmes raisons,
c’est lui qui est tué ou si lui il tue Blaise que veut-il qu’ils fassent ?
Il a répondu que cela ne pouvait pas arriver car le problème, c’était Sankara.
La semaine
suivante, il a été envoyé au Burkina remettre un message du Président Rawlings
à Blaise Compaoré dans lequel il a dit son mécontentement après la mort du
Président Sankara. Blaise Compaoré a répondu que lui aussi n’était pas content
mais que Sankara voulait le tuer. Blaise Compaoré a demandé à le voir en privé
et lui a demandé que le Ghana retire son Ambassadeur actuel car il s’ingérait
trop dans les affaires du Burkina. Celui-ci était très proche de Sankara et
était très souvent à la Présidence. A la suite de ces faits, ils ont retiré
leur ambassadeur et nommé un autre.
Sur
l’implication de puissances étrangères, Baffour déclare ne rien en savoir, mais
reconnait que quand il y a eu la Révolution du Burkina, il y avait des
puissances étrangères qui n’étaient pas contentes.
Sur les
dissensions entre le Président Sankara et Blaise Compaoré, il déclare qu’après
le mariage de Blaise Compaoré avec Chantal, la fille adoptive de Houphouët Boigny,
il sentait que les relations Sankara et Blaise n’étaient plus les mêmes. Il y a
aussi qu’à l’époque, la Côte d’Ivoire n’était pas amie du Burkina Faso.
Sur
l’existence d’un complot international ayant conduit à la mort de Sankara,
Baffour déclare que cela pourrait l’être mais il n’a pas de preuve.
Sur le séjour de Charles Taylor au Ghana en
1987, Baffour déclare qu’il est venu au Ghana comme réfugié révolutionnaire
africain, un réfugié politique. Celui-ci a profité de l’hospitalité du Ghana
pour recruter des combattants libériens au Ghana. Pour ces faits, il a été
arrêté et emprisonné pendant un mois avant d’être libéré. Il s’est rendu au
Burkina et Blaise Compaoré était devenu son protecteur. Il a été invité au
Burkina où il a rencontré Charles Taylor et ses chefs militaires en présence de
Blaise Compaoré dans une maison des hôtes du gouvernement à Ouagadougou. Il
déclare que si Sankara était au pouvoir en ce moment, il n’aurait pas pu
accueillir Charles Taylor, vu l’excellence des relations à l’époque avec
Sankara.
Keli Nordor, Ambassadeur du Ghana au Burkina Faso de 1983 à juillet
1988 (I-240), déclare qu’un signe annonciateur de l’évènement
fatal du 15 octobre 1987, a été la non tenue de la réunion annuelle des quatre
leaders de la révolution qui se tenait tous les ans au mois d’août.
Courant août
1987, lui et l’ambassadeur de Cuba, Manuel Agramonte, ont été invités à la
Présidence par Sankara. Il leur a expliqué la situation tendue avec Blaise
Compaoré et les difficultés au sein du CNR. Le 06 mars 1987, il a reçu à sa
résidence l’ambassadeur des Etats-Unis au Burkina, monsieur Léonardo. Celui-ci
a affirmé à son adjoint Lawrence Satuh
son opposition au régime de la RDP et qu’il ne lui donnait plus plusieurs de
survie. Cette information, monsieur Satuh la lui a communiquée qu’après le
15 octobre 1987. Il recevait des informations sur la mauvaise situation du
pays, à tel point que Rawlings a envoyé plusieurs délégations à Ouagadougou.
Après le 15
octobre 1987, il a été invité au Conseil de l’Entente en qualité de doyen du
corps diplomatique par Blaise Compaoré. Celui-ci l’a informé qu’il n’était pas
présent au moment des évènements, qu’il était malade. Keli Nordor lui a répondu,
sans ménagement, qu’il était un menteur et qu’il était impliqué dans la mort de
son frère Thomas. Il a convoqué une réunion du corps diplomatique pour un
briefing des évènements. Blaise Compaoré s’efforça à expliquer que l’évènement
fatal qui a entrainé la mort de Sankara était le résultat de conflits et
tensions dans l’armée sur lesquels, il n’avait pas de contrôle et des
militaires incontrôlés sont passés à l’action. Dans sa déclaration Keli Nordor
affirme que Sankara soupçonnait fortement Blaise Compaoré de vouloir le
pouvoir. Quelques semaines et mois qui ont précédé le coup d’Etat, il y avait
un froid total entre les deux. Sankara lui aurait dit que si Blaise veut le
pouvoir, il n’a qu’à venir le lui dire ; il n’a pas besoin de faire un
coup d’Etat.
Pour Keli
Nordor, la principale cause de ce qui est arrivé le 15 octobre, n’est autre que
la volonté préméditée de Blaise Compaoré de s’emparer du pouvoir. En 1986,
Rawlings a rencontré Sankara à Tamalé avec d’autres responsables Ghanéens, où
Sankara leur a dit qu’il était perdu, seul
contre tous et était dans une situation d’impasse politique. Dans
l’avion qui les ramenait à Ouagadougou, Sankara l’a appelé à ses côtés et lui a
demandé « Keli, pourquoi vous me laissez tomber ? ».
Sur
l’implication internationale sur les évènement du 15 octobre 1987, Keli Nordor
déclare qu’outre les propos tenus par l’ambassadeur des Etats-Unis au Burkina
sur une fin prochaine du régime du CNR, il y a la menace du Président
Mitterrand lors de sa visite à Ouagadougou et le mécontentement de Kadhafi
suite au refus du Ghana et du Burkina d’abriter des bases militaires libyennes
à Tamalé et à Pô.
Kodjo Tsikata, Conseiller
national, chef de la sécurité et des affaires internationales du PNDC (I-243),
affirme que deux semaines avant son assassinat, Thomas Sankara est venu au
Ghana rencontrer le Président Rawlings en sa présence. A l’époque, le
gouvernement de Sankara avait des difficultés avec les syndicats et aussi des
rumeurs au sujet des dissensions entre Blaise Compaoré et lui. La partie
ghanéenne a voulu savoir si les rumeurs de divergences entre lui et Blaise
étaient vraies. Sankara a répondu qu’il n’y avait pas de réelles différences
entre eux, qu’ils travaillaient toujours très étroitement ensemble et que les
problèmes mineurs qui pouvaient exister seraient facilement dépassés, étant
donné leur amitié.
Il ajoute que
curieusement, trois ou quatre jours avant l’assassinat, Blaise est venu au
Ghana sans les informer et sans chercher à les contacter. Il a passé une nuit
dans la résidence de l’ambassadeur du Burkina, Mme Maïmouna. Puis il est
reparti sans les voir. C’était très étrange car le Burkina Faso et le Ghana
avaient de très bons rapports. C’est quelques jours plus tard, qu’ils ont
appris que Sankara avait été assassiné.
Quelques
jours après l’assassinat, le commandant Lingani est venu au Ghana pour leur
expliquer ce qui s’était passé. Ses explications n’étaient pas satisfaisantes.
Lingani ayant compris qu’il n’avait pas été convaincant, Blaise Compaoré a
alors demandé à venir personnellement les rencontrer. Rawlings a accepté, mais
a refusé de le recevoir en tant que chef d’Etat et pas à Accra. La rencontre a
informellement eu lieu à Tamalé. Au cours de la rencontre, Rawlings a montré
son insatisfaction pour les explications que Blaise Compaoré donnait.
L’atmosphère était très tendue. Blaise a compris qu’il ne pouvait pas rétablir
les relations qu’il avait eues auparavant avec le Ghana et est reparti
mécontent. Par la suite, le Ghana a fait de son mieux pour garder des relations
diplomatique avec le Burkina, pays voisin. Mais c’était la fin de la relation
spéciale avec Blaise Compaoré.
Sur
l’implication, le rôle et la responsabilité des pays étrangers sur les
évènements du 15 octobre 1987, Kodjo Tsikata dit n’avoir aucun élément concret, mais pense que la
France et la Côte d’Ivoire ont pu jouer un rôle.
A la question
de savoir s’il avait des informations sur un agent de l’ambassade américaine,
du nom de Donald qui aurait travaillé activement pour soutenir le coup d’Etat
contre Sankara, Kodjo Tsikata répond qu’ils n’avaient pas connaissance de
l’existence de ce Donald, mais qu’il avait eu beaucoup d’informations selon
lesquelles, avant l’assassinat, Blaise avait des contacts avec les Américains.
Il a ajouté qu’à cause du rôle d’Houphouët dans les questions intérieures au
Ghana, notamment dans l’assistance portée par la Côte d’Ivoire aux
organisateurs de complots, ils en avaient discuté avec Sankara au sujet des
relations de Blaise avec Houphouët. Sankara a répondu qu’il était au courant de
ces relations et les a assurés qu’il ne fallait pas s’en préoccuper, qu’il
pouvait gérer cela sans problèmes.
Pour Thierry Secretan, journaliste français (I-242),
lors de son audition, il déclare avoir rencontré le capitaine Thomas Sankara en
1983 ou 1984, peu après la visite du Chairman of the PNDC, Rawlings, au
Burkina.
Sur la mort
du Président Sankara, Thierry Secretan déclare qu’il n’en sait rien en dehors
de ce qu’on pouvait lire dans la presse. Il a dit avoir vu l’interview que
Blaise Compaoré a donné tout de suite après, puant la culpabilité.
Sur le rôle,
la responsabilité de personnes civiles ou militaires du Burkina ou de
l’étranger, dans les évènements du 15 octobre 1987, le témoin déclare n’avoir
aucune connaissance. Cependant, il pense que la crainte qu’inspiraient Rawlings
et Sankara à Eyadema et à Houphouët Boigny était connue de tous les
journalistes spécialistes de l’Afrique comme lui.
A ce titre,
les gouvernements français étaient nécessairement au courant de cet
antagonisme. Pour illustrer ses propos, il dit que le Nigéria avait renvoyé au
moins un demi-million de Ghanéens de son territoire sans avertissement
préalable alors que Rawlings n’avait qu’un an de pouvoir. C’était pour
provoquer une crise. Il estime que c’était une manœuvre politique pour essayer
de déstabiliser le gouvernement Ghanéen.
Rawlings
avait réussi à gérer d’une manière extrêmement efficace et pratique cette
situation. Il ajoute aussi que si le Togo n’avait pas été complice, il n’aurait
pas laissé les réfugiés traverser son pays. Par la suite, Houphouët Boigny
était favorable à Blaise Compaoré qui avait épousé sa fille. Ce type de lien
conforte l’idée que Eyadema et Houphouët Boigny étaient déterminés à se débarrasser
de Rawlings et Sankara. La cellule africaine de l’Elysée était la courroie de
transmission entre eux. C’était le bureau des plaintes des dirigeants
africains. Cette cellule, il imagine mal, en tant que journaliste rencontrant
beaucoup d’Africains, que Compaoré n’ait pas reçu un feu vert, si ce n’est de
la France, de la Côte d’Ivoire, lui, un froid calculateur comme il l’a
démontré.
Sur l’hypothèse
de l’existence d’un complot international ayant abouti à la mort du Président
Sankara, Thierry Secretan déclare qu’il y a complot dès lors qu’il y a
collusion à minima entre la Côte d’Ivoire, le Togo et la France.
Sur le rôle,
l’implication ou la responsabilité de puissances étrangères, notamment de la
France, la Lybie, les USA, la Côte d’Ivoire, le Togo ou de leurs agents dans
les évènements du 15 octobre 1987, il déclare ignorer totalement en ce qui
concerne les Etats-Unis. Mais pour la France, il estime qu’il n’y a eu
certainement aucune pression pour arrêter Compaoré. Il est trop calculateur
pour y être allé de lui-même. Il pense que la Françafrique redoutait l’effet de
la contagion. C’est pourquoi, dit-il, il y a eu une collusion de la Francafrique
contre Rawlings et Sankara (…) »
Source :
Ordonnance du juge d’instruction
A suivre dans CC N° 251 du 25 octobre 2021