Le procès de l’affaire Thomas Sankara s’ouvre ce 11 octobre, à quatre
jours du 34e anniversaire de l’assassinat du leader du Conseil
national de la Révolution (CNR). 14 accusés seront jugés par le Tribunal
militaire. Certains risquent gros dans cette affaire s’ils sont reconnus
coupables des faits qui leur sont reprochés. Voici ce que dit la loi.
L’événement
est attendu. Très attendu ce 11 octobre. Le dossier du Président Sankara et de
ses compagnons passera enfin à la barre, 34 ans après leur assassinat. C’est le
résultat d’un long combat. Depuis l’assassinat du président du CNR et de ses
compagnons, les familles des victimes n’ont cessé de réclamer justice. Mais
c’est en 1997 qu’une plainte a été déposée devant les juridictions civiles,
puis au niveau du Tribunal militaire. Le dossier a connu des
« misères » dans les couloirs de la justice. Obtenir un procès dans cette affaire était
quasiment problématique sous le pouvoir de Blaise Compaoré. En octobre 2014, le
régime Compaoré s’écroule face à la bourrasque insurrectionnelle. Et là, le dossier
connait un coup d’accélérateur.
Le
dossier judiciaire a connu une avancée notable en 2015. La juridiction
militaire a conduit le dossier jusqu’en cette année 2021 où la Chambre de
contrôle de l’instruction a, en avril 2021, renvoyé 14 personnes pour être
jugées conformément à la loi.
L’ancien
Capitaine Blaise Compaoré, le Général de brigade Gilbert Diendéré, l’Adjudant-chef
Hyacinthe Kafando, le Colonel-Major Jean-Pierre Palm, l’Officier Alidou Diébré,
le Colonel-Major Hamado Kafando font partie des 14 personnes qui passeront à la
barre du Tribunal militaire. Il y a aussi Bossobè Traoré, Nabonswendé
Ouédraogo, Idrissa Sawadogo, Yamba Elysée Ilboudo, Tibo Ouédraogo, Pascal
Sibiri Belemlilga et Ninda Tondé dit Pascal.
Le
juge d’instruction en charge du cabinet
N°1 du Tribunal militaire de Ouagadougou et la Chambre de contrôle ont estimé
qu’il y a charges suffisantes pour renvoyer ces anciens membres du CNR devant
le tribunal afin qu’ils s’expliquent sur le coup d’Etat du 15 octobre 1987.
Ces
personnes sont poursuivies pour plusieurs chefs d’accusation : attentat à
la sureté de l’Etat, complicité d’attentat à la sureté de l’Etat, assassinat, complicité
d’assassinat, faux en écriture publique, subornation de témoin et recel de
cadavre.
L’attentat
à la sureté de l’Etat est sévèrement puni. L’article 110 du Code pénal de 1996 prévoit
entre 10 et 20 ans de prison pour toute personne qui se rend coupable de
complot suivi d’un acte commis ou commencé. « Il y a complot dès que la
résolution d’agir est concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs
personnes en vue de changer par la
violence le régime légal…. » Pendant le coup d’Etat de 1987, c’est la loi
n°16 AL du 31 août 1959 sur les atteintes à la sûreté de l’Etat qui était
applicable.
Le Code
pénal est assez précis sur le cas des meurtres : «Le meurtre commis avec préméditation ou guet-apens » est qualifié d’assassinat.
Il était puni de la peine de mort, selon l’article 324 du code pénal ancien. Aujourd’hui,
la peine de mort étant abolie, la sanction maximale prévue par le Code pénal de
2018 révisé en 2019, est
l’emprisonnement à vie.
Dans
le dossier Sankara, quatre accusés sont renvoyés devant le Tribunal militaire
de Ouagadougou pour assassinat. Il s’agit des soldats Idrissa Sawadogo, Yamba
Elysée Ilboudo, Nabonswindé Ouédraogo et l’Adjudant-chef Hyacinthe Kafando.
L’ancien Capitaine des forces armées burkinabè Blaise Compaoré et le Général
Gilbert Diendéré seront jugés pour complicité d’assassinat, attentat à la sureté
de l’Etat et recel de cadavre. Le Général Gilbert Diendéré, condamné dans le
cadre du coup d’Etat de 2015, est également poursuivi, dans l’affaire Sankara,
pour subornation de témoin.
Cette
infraction est prévue et punie par l’article 293 du Code pénal de 1996.
« Le délit de subornation de témoin est puni d’un emprisonnement d’un à
trois ans et d’une amende de 300 000 à 900 000 francs ou de l’une de
ces deux peines seulement, quiconque en toute matière, en tout état de
procédure ou en vue d’une demande ou d’une défense en justice, use de promesse,
offres ou présents, de pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou
artifices pour déterminer autrui à faire ou à délivrer une déposition, une
déclaration ou une attestation mensongère, que la subornation ait ou non
produit effet, à moins que le fait ne constitue la complicité des infractions
plus graves (…)»
Au
procès du putsch en 2019, le Général Gilbert Diendéré, reconnu coupable
d’attentat à la sureté de l’Etat, avait
été condamné à 20 ans de prison fermes. Ses
subalternes Eloi Badiel, Moussa Nébié
et Jean Florent Nion avaient pris respectivement 19 ans de prison fermes
et 17 ans pour les deux derniers. Certains fugitifs comme Fatou Diendéré et
autres ont écopé de 30 ans fermes.
L’article
276 du Code pénal de 1996 définit le faux comme «une altération frauduleuse de
la vérité accomplit dans un écrit par un moyen déterminé par la loi et de nature
à porter préjudice à autrui». La loi punit d’une peine de 10 à 20 ans tout
fonctionnaire ou officier public qui, dans l’exercice de ses fonctions, commet
un faux en écriture authentique ou publique. Dans le dossier Thomas Sankara, la
Chambre de contrôle de l’instruction a renvoyé des officiers devant la
juridiction de jugement pour faux en écritures authentiques. Il est reproché à
certains accusés d’avoir inscrit sur le certificat de décès du défunt leader du
CNR « Mort de mort naturelle ». Ces officiers vont devoir expliquer
ce qui a prévalu à cette inscription sur le certificat de décès de leur
« camarade » président.
Ham SANGARE