Tout le monde, ou presque, a sauté, à bras
raccourcis, sur l’ex-DG des douanes, Ousmane Guiro. La découverte de cantines
contenant près de deux milliards de francs CFA et des objets de valeurs, à
domicile, et qui lui appartiendraient, a mis la république en branle. A
commencer par le Président Compaoré qui l’a éjecté, séance tenante, de son
poste de DG. Suivi du Premier ministre qui lui a décoché des flèches. Et ils
sont nombreux, à travers le pays, à avoir fait le procès de Guiro et à l’avoir
condamné, sans ménagement, avant même que la Justice se prononce sur cette
affaire brûlante. La sentence a été sans pitié au point que le nom Guiro s’est
assimilé au billet de 10 mille francs CFA. Des phrases du type «cet ordinateur
coûte combien de Guiro ?» ou «s’il te plaît, tu peux me prêter un
Guiro ?» sont devenues monnaie courante.
Ousmane Guiro a ainsi été traîné dans
la boue, sans autre forme de procès. Et comme dirait quelqu’un, «c’est bien
fait pour sa gueule» ! C’est en effet frustrant, très frustrant, de
constater que malgré ce contexte impitoyable de «vie chère», certains se la
coulent douce, à coût de milliards alors que la majorité des citoyens ploient
sous le lourd fardeau de la misère. Et si les faits de corruption, de
concussion et d’enrichissement illicite reprochés à Guiro étaient fondés ?
C’est l’occasion de faire une toilette sans complaisance de la gestion des
affaires publiques. Et à ce sujet, le Président Compaoré, qui s’est empressé de
signer un décret pour mettre fin aux fonctions de Guiro, doit impérativement
ouvrir les pages noires des rapports de l’Autorité supérieure de contrôle
d’Etat, de l’Inspection des Finances, des Inspections techniques des ministères
et de la Cour des comptes. Dans bien des cas, les deniers publics ont été cloués
au pilori. Et tout laisse croire qu’il y a eu d’importantes malversations.
Les
chiffres font froid au dos; les faits parlent d’eux-mêmes ! Mais le
Président et son Premier ministre semblent ne pas voir tout cela ! Au
point que certains ont fini par croire, à juste raison, que Guiro a été
sacrifié dans le but de sauvegarder certains intérêts personnels ou de
clans ! Il a été jugé, condamné et jeté dans la poubelle de l’Histoire avant
même de passer à la barre des juridictions compétentes. On a oublié que tout
citoyen, quelle que soit la faute qu’il a commise, a droit à la présomption
d’innocence, tant qu’il n’a pas été entendu, jugé et condamné par un tribunal.
C’est une règle de droit.
Evidemment, cela ne décharge pas automatiquement Guiro de toute culpabilité. Il
faut donc que la Justice dise le droit, rien que le droit. Et que, loin des
ingérences politiques, la lumière soit faite sur cette ténébreuse affaire. Si
Guiro est coupable, qu’il soit condamné ! S’il ne l’est pas, qu’il soit
libéré ! Mais se contenter de juger Guiro serait un coup de bluff si on
n’entame pas, du même coup, une campagne énergique contre l’impunité… au «pays des Hommes intègres». Il faut impérativement ouvrir les autres dossiers
sales de la république.
Hervé
TAOKO